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Les critiques de Bifrost

Le Voyageur solitaire

Le Voyageur solitaire

Jean-Marc LIGNY
ACTUSF
7,00 €

Bifrost n° 53

Critique parue en janvier 2009 dans Bifrost n° 53

Habitué du Fleuve Noir « Anticipation » et drainant derrière lui quantité de fans prêts à le suivre dans toutes les directions (dont l'excellent Monsieur Némo et l'éternité au Fleuve Noir, qui promettait tant et qui, hélas, a dû s'arrêter), Jean-Marc Ligny ressuscite ici quatre textes plus ou moins trouvables et appartenant tous au même univers, Les Chroniques du nouveau monde. Bilan, un « nouveau » recueil, Le Voyageur solitaire, et bientôt deux autres pour achever la boucle, ainsi qu'une nouvelle inédite pour le futur tome 3. Ceux qui ignorent tout de Jean-Marc Ligny trouveront ici de quoi commencer en beauté. Si les textes du Voyageur solitaire ne sont pas exempts de défauts (notamment une propension à tomber dans « l'âge d'or » avec le côté vieillot et parfois ridicule qui va avec), on y retrouve toute la dimension d'écrivain de Ligny, cette habileté d'écriture qui n'appartient qu'à lui, cette poésie détachée qui fait mouche à tous les coups, et cette menace sous-jacente qui donne au récit une tension quasi palpable. Témoin, la nouvelle-titre, qui, après un démarrage catastrophique hanté par des personnages en carton-pâte, se développe tranquillement, doucement, terriblement, pour fini en apothéose et en transfiguration. Un homme seul affronte l'espace et l'horreur du vide (on résume). Une horreur intrinsèque au milieu ambiant avec laquelle il doit composer. Et vivre. Ou pas. Les deux nouvelles suivantes sont radicalement différentes dans leurs thèmes et leur apparente légèreté. « Le Traqueur d'extrêmes » donne dans le sérieux avant de finir dans le comique, via une chute un peu facile qui laisse le lecteur sur sa faim. « Le Cas du chasseur » est une variation intéressante (et évidemment science-fictionnesque) autour du thème de l'intelligence animale et des problèmes de droit qui en découlent (on y suit le procès d'une femme-louve accusée du meurtre d'un chasseur). Mais là où Ligny décolle vraiment, c'est avec le splendide « L'Astroport », histoire effrayante et affreusement crédible d'un naufrage spatial sur Triton, sur la survie d'un couple au beau milieu d'un artefact extraterrestre inquiétant qui a tout d'un astroport pensant, et sur la naissance d'un enfant qui entretient des relations particulières avec ledit machin. Glaciale, lente et vénéneuse, cette nouvelle justifie à elle seule l'acquisition du recueil et distille un malaise croissant à mesure que l'histoire se développe. Si « L'Astroport » fait peur, c'est aussi en raison de sa très grande poésie, de ses nombreuses ellipses et du talent avec lequel Ligny n'en dit justement pas trop. Un vrai plaisir.

Au final, Le Voyageur solitaire est probablement la meilleure façon de convaincre les lecteurs de s'attaquer à l'œuvre de cet auteur hors normes. Textes savoureux et intrigants, univers très personnel mis en place avec acuité, bref, un « monde » à la Ligny. Ensuite, on enchaîne sur Aqua™ et on ne peut plus s'en passer.

Patrick IMBERT

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