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Les critiques de Bifrost

Le Silence de l'espace

Le Silence de l'espace

Tommaso PINCIO
FOLIO
206pp - 7,40 €

Bifrost n° 32

Critique parue en octobre 2003 dans Bifrost n° 32

Encore inconnu en France il y a peu, Tommaso Pincio a déjà fait parler de lui avec Un Amour d'outremonde, roman sombre et vénéneux publié chez Denoël dans la collection « Lunes d'encre », et présenté comme une sorte de biographie science-fictionnesque de Kurt Cobain. Dans un registre radicalement différent, le jeune auteur italien est de nouveau à l'affiche avec un texte décalé et délirant, publié cette fois en poche dans la collection Folio « SF ».

Le Silence de l'espace fait partie de ces livres sortis d'on ne sait où, divinement bien écrit, et d'une telle originalité qu'on pourrait facilement parler de fulgurance, voire de chef-d'œuvre. L'histoire n'est pas simple : Jack Kerouac (oui oui, LE Jack Kerouac) s'ennuie. Il a besoin de faire le point sur sa vie. Qu'à cela ne tienne, Coca Cola Enterprise INC l'envoie sur sa station spatiale orbitale surveiller la portion d'espace que le gouvernement a offert à la très célèbre marque. Dirigée par un PDG survitaminé au curieux patronyme d'Arthur Miller, l'entreprise a une devise simple : « pas d'emmerdes ». Des emmerdes qu'Arthur Miller s'efforce d'éviter, d'autant que sa femme (une certaine Norma Jean Mortensen) le fatigue suffisamment. Et quand un ami de Jack Kerouac nommé Neal Cassidy téléphone à cette pauvre Norma Jean délaissée, pensant avoir affaire à Marilyn Monroe, libraire de fast-book dont il est tombé amoureux il y a peu, les choses se compliquent dans un sens, mais s'expliquent dans l'autre… Pendant ce temps, l'espace continue d'être infini (et mortellement silencieux), malgré Jack Kerouac, malgré James Dean, malgré Cary Grant… Il n'est d'ailleurs pas impossible que tout ça ne soit qu'un coup monté par l'armée américaine et que l'espace ne soit pas autre chose qu'un endroit artificiel, recréé sous la surface d'un lac au Nevada…

Délirant au premier coup d'œil, incroyable de drôlerie (le dialogue d'embauche entre Kerouac et Miller est un petit chef-d'œuvre d'acidité), Le Silence de l'espace est pourtant empreint d'une gravité désespérée, d'un rare attachement aux personnages et d'une lucidité amère très remuante.

Rapidement lu, mais encore plus rapidement re-lu avec délectation, ce livre inclassable est à ranger aux côtés des textes essentiels, de ceux qui réconfortent toute une bibliothèque sans en avoir l'air. Un vrai régal et un inédit exceptionnel pour Folio « SF ».

Patrick IMBERT

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