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Les critiques de Bifrost

Le Cerveau vert

Le Cerveau vert

Frank HERBERT
POCKET
256pp - 7,70 €

Bifrost n° 63

Critique parue en juillet 2011 dans Bifrost n° 63

La forêt amazonienne, comme d’autres régions dans le monde, est désormais partagée entre la zone verte, surfaces cultivables génétiquement modifiées, et la zone rouge où pullulent la faune et la flore indésirables. C’est là que les bandeirantes, les nettoyeurs des espèces invasives, signalent des insectes géants semant la terreur. Travis Huntington Chen Lhu, membre de l’Organisation écologique internationale, se rend sur place, avec Tanja Kelly, séduisante irlandaise, espionne chargée de séduire ceux qu’on lui désigne. Leur guide dans la forêt est Joao Martinho, jeune héros local de la lutte contre la vermine mutante, au contraire de son père, qui laisse des espèces vaquer pour mieux les étudier.

Une conscience est apparue dans la jungle, un cerveau qui manipule la faune environnante et envoie dans le Vert des assemblages d’abeilles mutantes imitant la forme humaine. Un temps déconcerté par la notion d’individualité qui lui est étrangère, les sentiments comme la haine ou la notion de l’argent comme transfert d’énergie virtuel, cette intelligence apprend vite et comprend qu’elle doit se défier de ceux qui arpentent le territoire à la recherche des manifestations.

Le suspense croît à la suite de quelques scènes spectaculaires telle l’irruption d’un insecte géant sur une place de village ou l’attaque d’insectes sous forme humaine comme dans une bonne série B d’horreur. L’action s’enlise cependant en se focalisant sur les conflits qui menacent la cohésion du groupe humain ; Joao se défie des observateurs et Tanja manifeste une hostilité grandissante envers le méprisant Chen Lhu qui cache des informations dont les enjeux les dépassent.

Ce troisième roman de l’auteur contient en germe les thèmes que Herbert développera par la suite : l’écologie, qui pointe ici les mutations volontaires échappant à tout contrôle et les torts causés à la nature pour pouvoir ne conserver que les espèces jugées utiles. L’apparition du cerveau est à rapprocher du programme conscience de Destination : vide écrit durant la même période, la société des insectes annonce La Ruche d’Hellstrom, les manipulations de Chen Lhu rappellent celles du Bene Gesserit, de même que les références à la religion (« sans l’homme, Dieu ne pourrait pas exister ! »), la drogue ou les phéromones altérant la conscience, la recherche d’un équilibre assurant la survie de l’espèce renvoient à Dune et à des œuvres ultérieures déclinant ces thèmes récurrents. Les progrès de la conscience nouvellement née, naïvement traités, enlisent le récit et amoindrissent la portée des préoccupations connexes, de sorte que l’intrigue semble s’étirer, malgré la brièveté du roman. Qui reste remarquable par le potentiel créatif qu’il concentre.

[Lire aussi l'avis de Jean-Pierre Lion dans le Bifrost n°59.]

Claude ECKEN

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