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Les critiques de Bifrost

La Rivière perdue

La Rivière perdue

Michael KORYTA
CALMANN-LÉVY
440pp - 21,90 €

Bifrost n° 63

Critique parue en juillet 2011 dans Bifrost n° 63

Amateurs d’eau en bouteille, tremblez ! A vous qui pensez que l’alcool est dangereux pour la santé et que boire de l’eau est la seule alternative saine, ce livre apporte un démenti cinglant.

Eric Shaw est un cinéaste dont l’avenir semblait tout tracé. Sauf que… le voilà à présent réalisateur de films de mariage ou d’hommage aux défunts. Ne supportant pas cet échec, ayant quitté sa femme, il est peu de dire que notre héros est en plein doute. Un état d’esprit idéal pour la suite de l’aventure… C’est Alyssa Bradford qui lui en ouvre la porte. Cette jeune épouse veut faire un cadeau à son mari : elle commande donc à Eric un film sur son beau-père, le millionnaire Campbell Bradford. Après une entrevue étrange avec le vieil homme mourant, le vidéaste se rend dans la ville natale de Campbell : French Lick (Indiana), ancienne ville pour familles fortunées autrefois célèbre pour son hôtel grandiose, « irréel » et digne d’un film à gros budget. Et pour son « eau de Pluton » aux vertus affichées si nombreuses qu’une page n’y suffirait pas. Un slogan : « Quand la nature ne peut pas, Pluton s’en charge. » Tout un programme ! D’ailleurs, avant de l’envoyer en mission, Alyssa a confié à Eric une vieille bouteille de cette eau que son beau-père avait conservée depuis des années. Etrange récipient qui semble se refroidir de jour en jour. Curieux (et ivre !), le cinéaste en boit une gorgée. Et aussitôt les visions commencent… Un homme resurgit du passé. Pour reprendre une place qu’il estime avoir perdu injustement. Et il est prêt à tout pour la retrouver. Même à tuer. Surtout à tuer.

Robert Pépin a quitté le Seuil pour devenir, chez Calmann-Lévy, le directeur de cette nouvelle collection au nom évocateur : « Robert Pépin présente » (hommage égotique et revendiqué à Hitchcock — mais il faut dire que l’arrivée de Pépin chez Calmann-Lévy, c’est ce qu’on appelle un gros transfert du côté des footeux…). Ce vieux routard de l’édition a emporté dans ses bagages chargés quelques-uns de ses auteurs fétiches, dont Michael Connely tout de même (le créateur de l’inspecteur Harry Bosch et du Poète), et le jeune Michael Koryta (vingt-six ans et déjà huit romans parus aux Etats-Unis), qui signe ici sa première incursion dans le fantastique.

Pour un essai, ce roman tient ses promesses, même si la énième comparaison avec Stephen King s’avère lourde à porter (surtout quand le maître sort lui-même un nouvel ouvrage : Dôme). Malgré cela, le résultat ne manque pas d’intérêt, sans qu’il soit pour autant transcendant. Ainsi n’échappe-t-on pas aux poncifs, la structure se révèle classique et, à quelques exceptions près, on est rarement surpris. Toutefois la lecture demeure agréable et Koryta fait montre d’une maîtrise narrative toute professionnelle. Les personnages prennent vie peu à peu, le décor est planté dans les règles de l’art et l’intrigue, bien menée, s’avère prenante. Pas le livre du siècle, certes, mais un ouvrage bien fait, bien construit. On attend à présent que ce jeune auteur, le succès et l’assurance venant, ose sortir des pistes bien tracées et des carcans imposés.

Au fait, l’hôtel existe bel et bien. Voilà qui mérite une petite visite : http://www.frenchlick.com/ hotels/westBaden. Vous ne le regretterez pas…

Raphaël GAUDIN

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