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Les critiques de Bifrost

 

La collection « Polar - SF » déploie et conjugue depuis plusieurs mois une série de héros et d'univers dont les aventures passent allégrement de la plume de l'un à celle de l'autre. Ainsi Alien World, ou les enquêtes du jeune inspecteur Alex Green sur une Terre mise au banc de la Fédération des mondes extraterrestres unis — qui depuis considèrent notre belle planète comme une sorte de protectorat touristique de seconde zone. Avec G.J. Ranne (auteur du premier tome — La mâchoire du dragon), cela donnait une enquête efficace, avec un zeste d'amertume, de l'espoir et du merveilleux scientifique. Avec Morrisset aux commandes, cela donne une espèce de pogrom à l'échelle planétaire avec tueur psychopathe d'extraterrestres, héros nageant dans la déprime et bloqué à l'hôpital pendant 90% du roman, concours de massacre de victimes innocentes et de duplicité, et une conclusion des plus morne (devinez ce qu'il arrive au petit garçon incurable dont la mère a été gratuitement violée et dépecée ?).

Bref, un roman de plus signé Morrisset à déconseiller aux âmes sensibles, aux maniacodépressifs et aux lecteurs qui voudraient juste lire un bon roman de S-F pour passer le temps et s'évader de cette réalité parfois si morne et si injuste…

Maintenant que le ton est donné, il faut à présent souligner plusieurs aspects du récit de notre auteur très bien vus l'hypothèse des extraterrestres bouc-émissaires, de la décomposition de la société humaine au contact des mêmes ET, la nécropole virtuelle, la déprime du héros et les doutes qui l'accompagnent (pas constructif mais pertinent) en vis à vis de l'analyse psychologique fouillée du tueur, la cohérence générale du monde qui l'ancre comme une réalité vraisemblable dans l'esprit du lecteur. Sans oublier les points noirs qui émaillent cet univers, comme la mor suspecte d'un savant qui était à deux doigts d'offrir la propulsion interstellaire à l’humanité juste avant l'arrivée des extraterrestres, et l'énigme de la résolution Andromède. Donc de quoi nourrir votre imagination enfiévrée.

Bien sûr, il y a les sempiternels « cadavres qui se vident » dont Morrisset se fait une spécialité (auquel il faudra désormais ajouter les « pendaisons grossièrement érotiques » et un troisième délice du même genre), une conclusion trop rapide, le cliché du tueur conditionné, une quête de Green sur l'identité d'un collègue décédé sous ordres qui fait un tantinet rallonge et, surtout, des extraterrestres pas suffisamment malins pour consulter le chapitre criminologie et psychologie des tueurs psychopathes pour capturer un assassin dans leurs propres installations (mais ce n'est peut-être qu’une manœuvre politique de plus…).

Au total, je reste plutôt admiratif devant la qualité de l'écriture de Morrisset, même si plusieurs de ses motifs récurrents rendent l'immersion dans son imaginaire déplaisant sauf à se délecter (à la brussolienne) de la noirceur et de la misère de l'âme humaine.

David SICÉ

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