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Les critiques de Bifrost

L'Île des morts, intégrale

L'Île des morts, intégrale

Roger ZELAZNY
MNÉMOS
480pp - 27,00 €

Bifrost n° 85

Critique parue en janvier 2017 dans Bifrost n° 85

Qui dit Roger Zelazny pense souvent en premier – et peut-être seulement – à sa longue saga des « Princes d’Ambre ». Voici par conséquent l’occasion de (re)découvrir dans une édition intégrale l’univers si particulier de Francis Sandow. Quel plaisir de retrouver la voix unique de Zelazny et son mélange si personnel d’élégance et d’érudition – ce qui est peut-être une belle définition du style.

Le livre adopte le même format et la même fabrication que les autres intégrales publiées par l’éditeur : couverture rigide, reliure solide, beau papier. Le volume est composé de deux courts romans, L’Île des morts, et Le Sérum de la déesse bleue, ainsi que de nouvelles dont on ne résiste pas au plaisir de citer les titres, « En cet instant de la tempête », « Cette montagne mortelle », « Lugubre lumière », « Les Furies » et « Clefs pour décembre ».

Ce qui fait la valeur d’une telle intégrale, ce n’est pas la seule compilation, aussi pertinente soit-elle. Mais au contraire le travail éditorial qui regroupe les textes éparpillés, auquel s’ajoute une très éclairante préface de Timothée Rey (dont la lecture en guise de postface est peut-être plus profitable), et un épais glossaire final. Autrement dit, le lecteur en a pour son argent avec un recueil qui se veut définitif.

Le choix de placer les textes dans l’ordre chronologique de la narration et non pas de leurs publications est également des plus pertinent. L’ensemble fait sens dans la mesure où ils se répondent, constituant autant de fragments d’une histoire du futur. L’esthétique du fragment est d’ailleurs celle qui domine ici. Nous sommes toujours à la lisière de la compréhension, témoins d’un monde dont les tenants et les aboutissants nous échappent, avec l’impression qu’il serait toujours possible d’en apprendre un petit peu plus.

Le personnage de Francis Sandow n’apparaît que dans le troisième texte du recueil, la novella éponyme. Il est le dernier humain, il est richissime et surtout un Faiseur de mondes, il peut façonner la réalité pour créer des mondes à sa guise. Il est aussi un dieu incarné : Shimbo de l’Arbre Noir. Or il ne cesse de recevoir des photos de personnes décédées qu’il a autrefois connues. Il part donc mener son enquête qui se révèlera progressivement être une quête.

L’expérience de la lecture dépasse et détruit par bien des aspects les codes du récit d’aventures auquel ce résumé pourrait laisser penser. Roger Zelazny est un conteur hors pair et passé les premiers textes, le processus d’immersion fonctionne à plein. La fresque baroque du Sérum de la déesse bleue est à ce titre exemplaire. Zelazny sait tour à tour être poète et visionnaire, avec une belle maîtrise de l’économie de moyens de la forme courte. Dans ce qui constitue un petit classique, il mène ses lecteurs aux confins de l’univers pour y trouver la beauté des questions existentielles, celles dont seuls les mythes ont la clé.

Étienne BARILLIER

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