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Les critiques de Bifrost

L'Homme qui a perdu la mer

L'Homme qui a perdu la mer

Theodore STURGEON
LIVRE DE POCHE
320pp -

Bifrost n° 12

Critique parue en mars 1999 dans Bifrost n° 12

Le recueil d'Alain Garsault était paru au Livre de Poche voici vingt ans et n'avait pas été réédité depuis. C'est donc avec émotion qu'on retrouvera (ou découvrira pour les nouveaux lecteurs) quelques-uns des plus beaux textes de Sturgeon comme « L'Homme qui a perdu la mer », entièrement rédigé à la seconde personne du singulier, qui est le long délire d'un astronaute malchanceux, ou comme « L'Éveil de Drusilla Strange », qui présente les premiers pas d'une exilée sur Terre, déposée là en guise de châtiment pour le crime qu'elle a commis. Elle apprendra à regarder ce monde et ses gens autrement que comme une prison, elle apprendra à l'aimer.

Plusieurs autres textes du recueil sont des œuvres de jeunesse sans être pour autant mineures : « Ça » est un récit d'horreur haletant où Sturgeon dévoile pour la première fois l'étendue de ses talents, en particulier dans la construction des personnages. Les pensées de la chose née de la boue, qui observe les faits de façon brute, sans intelligence mais avec une curiosité manifeste, sont bien rendues. Nul ne peut en revanche prétendre ignorer « La Merveilleuse aventure du bébé Hurkle », récit humoristique cité dans tous les ouvrages consacrés à la S-F et qui a la particularité de ne dévoiler que vers la fin, à travers cinq mots anodins glissés dans une phrase, la nature du narrateur.

On voit aussi progressivement Sturgeon développer ses thèmes, son message d'amour et de tolérance, son empathie pour les autres, malgré leur différence. Encore balbutiants dans « Dieu microcosmique », qui oppose un surhomme inoffensif (un génie nullement dominateur car trop absorbé par ses recheches) à un financier avide de pouvoir, ces thèmes prennent de l'ampleur dans « Le Tyran sacré de l'amour, Epitaphe » (une fameuse gifle quant à notre prétendue supériorité) ou encore « Et la foudre et les roses », un texte poignant et un vibrant plaidoyer pour le pardon jusqu'au bout. Même si l'humanité s'éteint, le texte reste porteur d'un message d'espoir ; pour laisser une chance à la vie, une chanteuse passe de garnison en garnison pour convaincre les Etats-Unis de ne pas riposter, malgré leur supériorité en armement, à l'attaque nucléaire dont ils viennent de faire l'objet.

De Sturgeon, on connaît surtout les deux principaux romans, Cristal qui songe et Les Plus qu'humains, en oubliant un peu rapidement qu'il fut avant tout un nouvelliste. Les recueils qui lui sont consacrés se font rares sur les étagères et c'est pourquoi il faut saluer cette réédition pour ce qu'elle est : indispensable.

Claude ECKEN

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