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Les critiques de Bifrost

L'Envol du Soleil

Johan HELIOT
MNÉMOS
19,00 €

Bifrost n° 92

Critique parue en octobre 2018 dans Bifrost n° 92

Paru l’an dernier, L’Académie de l’éther, premier tome de cette série, s’inscrivait d’emblée parmi les meilleures créations de Johan Heliot. Ce nouveau tome vient confirmer cette première très bonne impression. Le romancier y poursuit l’exploration de ce xviie siècle à la fois familier et étrange, dans lequel la chute sur Terre d’une intelligence extraterrestre a fait dérailler l’Histoire et initié une révolution industrielle qui fera de la France le plus puissant royaume d’Europe.

Comme dans le précédent roman, cet univers nous apparaît à travers le regard que portent sur lui les enfants Caron, orphelins ayant quitté leurs Vosges natales pour s’installer à Paris, et qui tous désormais ont bien grandi et se sont fait une place plus ou moins confortable dans cette société en plein bouleversement : Jeanne continue d’être la voix de la contestation politique et sociale aux commandes du journal qu’elle publie ; à l’inverse, Estienne, à la tête de l’Académie de l’éther, est l’un des personnages les plus haut placés de l’État ; Martin a rejoint le corps des Égrégores, la section d’élite des troupes de Louis XIV ; sa jeune sœur Marie, farouchement indépendante, a su gagner les faveurs du Roi ; quant à Pierre, il reste en marge de cette société qui l’a rejeté et condamné, et chacune de ses interventions menace de faire s’effondrer le nouvel ordre qui s’est mis en place.

Le choix de Johan Heliot de raconter son histoire du point de vue de ces personnages est habile, d’autant plus qu’elle lui permet de mêler saga familiale et uchronie. De manière générale, on sent l’auteur particulièrement à l’aise pour faire vivre cet univers. Son écriture s’adapte à merveille aux codes littéraires de l’époque qu’il met en scène — on lira ainsi avec délectation son pastiche du théâtre de Molière qui ouvre le roman. Par ailleurs, les innovations technologiques qui viennent bouleverser cette France du xviie siècle, qu’elles concernent les transports ou les communications, outre leur aspect original et ludique, lui permettent aussi d’étudier sous un jour singulier cette société archaïque par bien des aspects, vivant dans la crainte de Dieu et du pouvoir royal, et que rien ne préparait à une telle révolution. De ce point de vue, les Caron font figure d’exception, qu’ils s’avèrent capables de conduire cette révolution technologique, qu’ils remettent en question le pouvoir politique ou la place des femmes dans la société. En attendant l’ultime volet de cette trilogie l’an prochain, « Grand Siècle » se classe d’emblée très haut au hit-parade des uchronies françaises.

Philippe BOULIER

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