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Les critiques de Bifrost

L'Enfer du troll

L'Enfer du troll

Jean-Claude DUNYACH
L'ATALANTE
208pp - 13,50 €

Bifrost n° 88

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Le troll de pierre est né il y a quelques années dans une anthologie des Imaginales. Il a, depuis, connu plusieurs aventures, réunies dans un recueil paru chez le même éditeur (L’Instinct du Troll, 2015). S’il reprend de nombreux clichés de la fantasy, l’univers développé par Jean-Claude Dunyach joue à fond la carte de l’humour et de l’anachronisme, à la manière de Terry Pratchett. C’est un univers de fantasy, certes, mais qui a découvert les bienfaits de l’économie de marché. Tout le monde trime pour que quelques gros, qu’on ne voit jamais, deviennent encore plus gros. Rapporté aux codes du genre : les nains creusent, les magiciens managent, les nécromants escroquent, les chevaliers lancent des OPA hostiles sur tout ce qui ressemble à un calice, pendant qu’en coulisse des actionnaires à face de Nazgûls tirent les ficelles. Quant aux elfes, ce n’est pas très clair, mais on les imagine bien en paysans anarcho-syndicalistes. Tout semble donc pour le mieux, sauf pour le troll du titre, qui pointe à Pôle Emploi.

Répondant à une proposition de son ancien chef, le voilà bientôt lancé, avec quelques complices pittoresques, dans une mission à l’autre bout du monde, pour auditer une mine dont les résultats ne sont pas conformes aux objectifs (ils sont nettement meilleurs…).

Le troll et sa bande vont dès lors devoir affronter moult périls, en s’égarant petit à petit dans l’absurde. Croisière en mer déchaînée, virée dans un parc d’attraction infesté de zombies, armée de fonctionnaires obsédés de la badgeuse, gisement de gaz de management hautement explosif sont autant d’étapes dans cette quête en kit (heureusement assistée par GPS), dont le but (attention spoiler) n’est pas de sauver le monde mais une certaine organisation du travail. Mais il est dit qu’aucun obstacle ne saurait résister à une équipe dotée d’un budget fonctionnel…

On entre glorieusement en loufoquerie, royaume enchanteur et débridé : quand Dunyach s’attaque à la big commercial fan tasy, pas une figure féérique ne résiste au déluge de nonsense hilarant. Dérision, jeux de mots, détournement en règle de la novlangue des milieux professionnels, satire du monde du travail en général et des travers de notre société de consommation : le rire surgit de partout, infiltre tout. Alors oui, l’intrigue se révèle au mieux capillotractée, et tout ça ne va pas pisser loin, mais le résultat est plutôt distrayant.

Sam LERMITE

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