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Les critiques de Bifrost

Heptagone

Heptagone

Georges PANCHARD
ROBERT LAFFONT
480pp - 22,00 €

Bifrost n° 68

Critique parue en octobre 2012 dans Bifrost n° 68

Heptagone se situe dans le droit fil de Forteresse (paru en 2005), dont il reprend — tout en le développant — l’arrière-plan géopolitique ainsi que les principaux personnages et thématiques, les deux ouvrages ayant manifestement été conçus pour se compléter. On pourrait discuter de la forme. Roman ? Fix-up ? En l’état, l’ouvrage se présente comme une suite de sept novellas qui se répondent de loin en loin sans jamais toutefois se recouper. Chaque novella adopte le point de vue d’un personnage et décrit à petites touches l’état du monde à l’horizon 2040. En forme « olympiquement » dépressive, Panchard dresse le tableau d’une société malade de la religion et du capitalisme, qui est peut-être déjà la nôtre : les Nord-américains vivent sous la dictature de l’obésité et de l’Union des Etats Bibliques Américains (UABS), l’Europe se remet comme elle peut d’une guerre contre les islamistes, le Vatican a adopté l’élection du Pape par tous les catholiques détenteurs de la carte de membre, tandis que les multinationales s’entredéchirent pour le pouvoir en employant des moyens d’une brutalité inouïe. On pénètre dans ce maelström d’images cauchemardesques (enfin, pas toutes : les nouvelles modalités du scrutin papal m’ont plutôt fait sourire) par la tête de Miyagawa, devenu tueur ninja implacable après une transformation doctrinale et physique radicale. Suivront Clayborne, ancien chef de la sécurité de la Haviland Corporation ; Caprara, la flic italienne, dont on suit le passé de combattante lors de la guerre contre les barbus ; Sherylin Leighton, exilée fuyant la théocratie américaine ; Barstow, le dissipateur ; Fuller, bras droit du président de l’UABS ; et Mitchell, artiste peintre en sujets religieux.

Tous éprouveront, à des degrés divers, le malaise profond, irréversible, qui agite les entrailles d’une société globale confrontée à la faillite de ses idéaux, systèmes et valeurs, ayant renoncé à tout projet collectif et semblant tourner le dos à l’idée même de progrès.

Fable anticipative angoissante, un brin hypertrophiée, Heptagone n’en reste pas moins un ouvrage enlevé dont les qualités reposent — au-delà de la reconstitution minutieuse d’un devenir possible, bien que partiel, de notre civilisation — à la fois sur une technique narrative sans faille, faite d’aller-retour incessants entre les époques, et sur un style très vif et très visuel aux formules qui font souvent mouche : « Il n’y a pas de méchants et de gentils. Et nous sommes les gentils. » (p. 155). Les récits sont de longueurs et d’intérêt certes variables, ne délivrant pas tous la même qualité ou quantité d’informations sur le monde mis en place par l’auteur, mais le soin apporté, tant dans la progression des intrigues que dans la construction des personnages, génère un indéniable plaisir de lecture. 

Sam LERMITE

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