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Les critiques de Bifrost

Ecriture : Mémoires d'un métier

Ecriture : Mémoires d'un métier

Stephen KING
LIVRE DE POCHE
350pp - 7,70 €

Bifrost n° 80

Critique parue en octobre 2015 dans Bifrost n° 80

Le 19 juin 1999, Stephen King a été renversé par un van alors qu’il faisait une promenade à pied et a bien failli y laisser la vie. A ce moment-là de sa carrière, il avait écrit la moitié environ de son ouvrage en cours : Ecriture, mémoires d’un métier. Pour être précis, il avait fini la partie « Curriculum Vitae » qui ouvre le livre (pages 17 à 128, édition Livre de Poche), la partie « Boîte à outils » (pages 131 à 161) et avait à peine attaqué la partie « Ecriture » (pages 165 à 298). Evidemment, au moment de proposer son ouvrage à son éditeur (et en se levant le 19 juin 1999 au matin), il ignorait que la version finale comporterait un post-scriptum (pages 301 à 321) où il relaterait son accident et explorerait les liens très forts qu’entretiennent l’écriture et la vie.

Ecriture, mémoires d’un métier est donc un livre étrange, sur tous les plans (celui de la vie de son auteur, de son élaboration et de son architecture) ; il est tranché en son mitan. Et cet équilibre qui se joue sur plusieurs niveaux (la balance a deux plateaux, une pour l’avant-accident, l’une pour l’après) confère à l’ouvrage une saveur particulière, une chair très dense et très lourde. Lire Ecriture, mémoires d’un métier c’est partager avec un auteur ce qu’il a de plus intime : son écriture et la place qu’icelle tient dans sa vie. A ce jeu-là, Stephen King se révèle une fois de plus un maître. La partie « CV » (autobiographique) nous apprend entre autres choses qu’il fait partie d’une génération qui a eu le pouvoir de changer le monde et a préféré le télé-achat. La partie « Boîte à outils » nous montre à quoi ressemble la palette d’un écrivain aussi aguerri que Stephen King (et son acuité en la matière). La partie « Ecriture » nous apprend comment utiliser cette palette/boîte à outils et pour quels résultats. Quant au post-scriptum, il nous fait pénétrer dans les pensées d’un homme revenu d’entre les morts et qui place évidemment Dieu quelque part dans le processus de sa survie (sans prêcher, Stephen King ne prêche qu’en matière d’écriture : écrivez porte fermée, évitez les formes passives, utilisez le bon mot au lieu de chercher le beau mot, supprimez tous les mots inutiles).

On peut conseiller la lecture d’Ecriture, mémoires d’un métier à trois types de lecteurs : ceux qui veulent écrire, ceux qui aiment les romans/recueils de Stephen King et veulent replonger dans son œuvre par un biais différent, et enfin ceux qui veulent le découvrir. Car paradoxalement, Ecriture, mémoires d’un métier s’adresse presque davantage à ceux qui ne l’ont pas lu, à ceux qui voudraient comprendre pourquoi Stephen King est à part, pourquoi il n’y a qu’un écrivain au monde comme lui, à la confluence des littératures de genre et du naturalisme.

Si l’ouvrage est indispensable, on regrettera son édition française (Albin Michel/Livre de Poche) affublée d’une traduction déplorable.

Thomas DAY

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