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Les critiques de Bifrost

Dimension Super-Pouvoirs

Dimension Super-Pouvoirs

Jean-Marc LAINE
BLACK COAT PRESS
17,00 €

Bifrost n° 71

Critique parue en juillet 2013 dans Bifrost n° 71

Jean-Marc Lainé, figure bien connue du fandom SF français, nous présente ici une anthologie dont le thème est celui des superpouvoirs, sans super-héros. Voilà une idée qui ne manque pas d’intérêt, et c’est non sans hâte qu’on se plonge dans l’opus, et avant tout sa préface… dix pages sur les héros / superpouvoirs au travers de l’histoire des comics et de quelques grands noms de la science-fiction (Herbert, Dick, Silverberg…). Une mise en bouche pleine de références, en fait, presque autant que de coquilles et de répétitions. Ça commence bien ! Au final, on se dit que le thème reste intéressant, mais on a confirmation qu’il a déjà été traité par d’innombrables auteurs aux qualités reconnues. Tâche ardue, donc, mais on commence tout de même la lecture des nouvelles et… on la termine ! Et là se pose LE dilemme du chroniqueur. On aime la littérature, et en particulier celle des mondes imaginaires, et le but du jeu est de dire à quel point on a aimé où pas aimé un ouvrage. Oui, mais comment ? Avec quelles limites ? Quel ton utiliser ? Bon tant pis, on se lance, peut-être en essayant un style doux mais ferme, genre assertif. Difficile, mais c’est le job. On débute avec une nouvelle d’Hervé Graizon (un bon point pour le prénom !), texte en deux temps, ouverture et fermeture du recueil avec « Voyage 1 – Arrivée », « Voyage 2 – Départ ». Dans l’introduction, l’anthologiste nous annonce un texte « à la teneur existentialiste et poétique ». Merci Jean-Marc, pour mettre la pression, c’est du lourd ! En ce qui nous concerne, on en reste poétiquement dubitatif, d’un point de vue strictement existentiel bien entendu. Une manière de dire ici que ce texte ne manque pas d’intérêt et mérite d’être lu, mais qu’il n’avait pas besoin d’être orienté, ni le lecteur d’ailleurs, par une introduction à la mode quatrième de couv’ ! C’est ensuite au tour de Ben KG avec « L’Effet Van Beck », description d’une soirée entre individus ayant des superpouvoirs. Le cynisme, de bon aloi tout au long de la nouvelle, est un peu gâché par une fin doucereuse. On en ressort avec un goût d’inachevé. Oliver Peru, dont nous avions trouvé le roman Druide fort fréquentable, nous livre ici un texte d’une plume maîtrisée mais à l’intrigue convenue, presque cousue de fil blanc. Vient ensuite « Le Nabi noir » d’André-François Ruaud, ou comment démontrer en trente pages que l’utilisation du passé simple nuit gravement à la santé d’un texte. Franck James, avec « Zone 51 », propose une nouvelle plaisante, pleine de cette nostalgie joyeuse des comics, bourrée de références TV, ciné, BD. Une lecture rafraichissante dont on ressort avec le sourire du plaisir partagé. « Master and servants », de Patrice Lesparre, ou l’histoire d’un maître de la soumission au milieu de ses esclaves… Mais qui est le maître ? Une intrigue avec chute et contre-chute. On aime. « Papa », un texte très court de Jean-Marc Lofficier : trois pages, une écriture brute, incisive, ciselée, économe. Au point qu’il est difficile de vous en dire plus. A lire. « Un jour peut-être », de Jean-Marc Lainé himself, une belle histoire, hélas gangrenée par les fautes de frappe et les répétitions : « en cours de musique collègue » ! Au collège ? Non ? A la longue, c’est… bon, bref. Vient ensuite « Blanc comme neige » d’Arnaud Quentin, une variation sur la fratrie plutôt réussie. Et enfin « L’Invisible » d’Alex Nicolavitch, qui, lui, varie sur le thème de « question pour un champion » version superpouvoir. Le recueil se termine par un dictionnaire des auteurs — à noter qu’Alex Nikolavitch n’y apparait pas… Un oubli, su-rement ! Au final, 50% : passez votre chemin, 25% : oui, mais non, mais oui, mais non (hommage répétitif à JML !), et 25% : quelques auteurs sauvent les meubles. Ajoutez à l’ensemble un paquet d’erreurs de saisie, de mise en page, de répétitions, etc., et vous aurez un bon petit lot pour 17 euros TTC tout de même. On ne cesse de le dire et on ne cessera jamais, un travail littéraire exigeant et de qualité ne tient pas uniquement au texte en lui-même, mais aussi au travail d’éditeur, de directeur de collection, de traducteur le cas échéant, voire d’illustrateur. Une œuvre s’évalue dans son ensemble, au risque de se voir justement polluée par tout ce qui l’entoure. Car enfin, même si chaque maison d’édition doit bien faire avec ses propres moyens, si limités soient-ils, ce que le lecteur lambda note de coquilles dès sa première lecture, on se dit que d’autres professionnels auraient pu les déceler plus tôt. Sans partir dans un grand débat pompeux, on peut se demander si ce n’est pas ce niveau de professionnalisme défaillant qui, invariablement, permet à d’autres de continuer à ranger les littératures de l’imaginaire dans des sous-genres d’autant plus faciles à dénigrer. En tout cas, on aurait été sûrement plus indulgent et bienveillant à l’égard d’auteurs qui, pour certains, signent ici leur début. Et on n’aurait pas fini la lecture de l’ouvrage avec une note aussi grincheuse. Une fois n’est pas coutume… Conclusion : s’il vous plait, pour nos yeux fragiles et notre tempérament chatouilleux, une petite relecture critique et correctrice avant d’envoyer le tout à l’impression. Merci pour nous. Merci pour eux.

Hervé LE ROUX

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