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Les critiques de Bifrost

Couverture noir mat, une empreinte verte : c’est sûr, nous sommes dans le futur. L’essai journalistique de Jérôme Blanchart semble destiné, au premier coup d’œil, à ces piles de livres plus ou moins défraîchis qu’on entasse dans nos garages avant de les filer à Emmaüs ou de les revendre pour quelque menue monnaie au bouquiniste en panne de rougnes. L’essai journalistique vieillit mal, au fur et à mesure que sa substance périme.

Mais comme demain est un autre jour, Crimes du futur apporte agréablement son lot d’informations pertinentes en cet instant « t ». Agréablement, parce que Jérôme Blanchart adopte un ton assez léger là où on se serait attendu à un sensationnalisme pessimiste. Certes, ces histoires de hackers, de rançonneurs, de voleurs à la tire ou de terroristes n’ont rien de réjouissant mais, contrairement à nombre de ses confrères, l’auteur introduit toujours une petite dose d’optimisme : toute découverte ou invention a ses avantages et ses inconvénients. Tel est le dualisme de l’innovation qui rongea Alfred Nobel jusqu’à sa mort.

Les amateurs de K.W. Jeter, William Gibson, Neal Stephenson et autres (post/pre)cyberpunks auront des sortes de flash en lisant Crimes du futur, tant nous nous retrouvons aux portes de leur demain : un monde où les hackers se vendent comme mercenaires aux pontes du crime, où les données sont la vraie source de richesse, où le citoyen lambda n’a plus du tout le contrôle de sa vie (et finit par s’en accommoder). Avec un petit détour par l’univers de Philip K. Dick où les portes n’ont pas l’habitude de négocier leur taxe de passage…

On apprendra donc tout du darknet, de Tor, de l’intérêt que portent les terroristes à la voiture sans conducteur, des tactiques de blanchiment d’argent par MMORPG interposé et de tout un tas d’autres sujets hyper-anxiogènes. Si les plus aguerris des lecteurs auront déjà, on n’en doute pas, de solides notions de base en la matière, ils se réjouiront tout de même que quelques frissons leur parcourent l’échine à l’abord de sujets sensibles tels que le biohacking, les armes bactériologiques sélectives et autres réjouissances. Si celles-ci ne sont pas encore tout à fait au point, elles ne manqueront pas d’épicer le JT de 20 heures d’ici quelques années.

Le lecteur de science-fiction, toujours un peu plus blasé que les autres, se dira bien sûr qu’il a lu bien pire et, qu’au vu des technologies émergentes de notre époque, ces manières de pratiquer le crime ne l’étonnent absolument pas. Il notera tout de même un point intéressant : l’écart entre la SF et la réalité s’avère parfois fin comme du papier à cigarette. Ça va finir par poser problème…

Jérôme Blanchart propose donc une lecture douloureusement agréable, à moins que ce ne soit l’inverse. Le seul reproche qu’on pourrait lui faire serait d’avoir écrit un manuel d’instruction pour criminel du futur. C’est un peu angoissant. Comme tous les plaisirs coupables.

Grégory DRAKE

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