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Les critiques de Bifrost

Collection d'automne

Collection d'automne

Jonathan CARROLL
DENOËL
307pp - 21,34 €

Bifrost n° 12

Critique parue en mars 1999 dans Bifrost n° 12

Le titre, poétique, rend fidèlement compte de l'ambiance de ces dix-sept nouvelles où Jonathan Carroll, s'il abandonne la forme du roman, n'en ressasse pas moins les mêmes thèmes avec le talent qu'on lui connaît. Il est en effet beaucoup question de la mort dans ces récits, dans une perspective métaphysique englobant le destin de l'individu comme le sens de la vie. C'est davantage l'approche de la mort qui pousse à la réflexion introspective et à la recherche de souvenirs, parfois d'une façon si obsessionnelle que tout devient affaire de détails. Des détails volontiers ironiques : c'est quand cet homme, qui se sait condamné, s'habille du dernier chic, qu'une femme s'éprend réellement de lui, au point qu' « Il n'en croit pas sa chance » ! Et c'est la fillette mourante qui donne à l'adulte handicapé une leçon de vie, en même temps que des conseils dignes d'une voyante prodige (« Copains comme chiens »).

Comme souvent chez Carroll, il est question de Dieu dans ces récits, bien que celui-ci soit très éloigné de la conception classique qu'on peut s'en faire : quand Il perd la mémoire, une dessinatrice qui a le sens du détail est, par ses croquis, la seule personne à empêcher l'univers de s'effacer (« La tristesse du détail »). Une femme de ménage trop zélée ressuscite les fantômes du passé d'un universitaire, qui se considère pourtant honnête homme ; il est d'autant plus forcé de raviver des souvenirs lointains que l'enjeu concerne ici aussi la menace de la disparition de Dieu : trente-six humains, des élus d'une parfaite banalité, Le composent, mais leurs suicides de plus en plus fréquents, empêchant leur remplacement, Le menacent de disparition (« Ménage en grand »). Il est aussi question un peu de l'enfer... puisque celui-ci a un rapport évident avec le temps. Inutile d'imaginer d'atroces souffrances pour persécuter les damnés, étiré sur l'éternité, le plus doux des plaisirs devient un supplice {« Salle Jane Fonda »).

Il y a, à travers les textes fantastiques de Carroll, la quête d'une authenticité poursuivie avec patience et sans concession, la recherche d'une rédemption également, pour laver ses fautes passées. La simple lecture des titres est éloquente : « Apprendre à s'en aller » ; « Signe de vie » ; « La vie de mon crime » ; « L'amour des morts »... La lecture des textes, elle, se savoure lentement, tant la richesse du style permet de l'assimiler à une liqueur forte ou un parfum capiteux.

Claude ECKEN

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