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Les critiques de Bifrost

2084. La fin du monde

2084. La fin du monde

Boualem SANSAL
GALLIMARD
288pp - 19,50 €

Bifrost n° 81

Critique parue en janvier 2016 dans Bifrost n° 81

« Le XXIe siècle sera pavé de bonnes intentions ou ne sera pas. »

Malraux – Anti-anti-Mémoires (d’une réalité parallèle)

 

Ex-æquo avec Hédi Kaddour mais Grand Prix du Roman de l’Académie française 2015 quand même, pardonnez du peu, 2084 – La Fin du monde est resté un moment dans les tuyaux pour épingler le prix Goncourt, ce qui lui aurait permis, comme chacun le sait, de devenir le presse-papiers tendance de l’année 2016. Raté.

Néanmoins, cette parution et le vent qui se fait autour permettent, une nouvelle fois, d’apprécier la déchéance du SPLIF. SPLIF ? Le Super Paysage LIttéraire Français, voyons ! Celui où l’on a définitivement rangé les vrais penseurs (Deleuze, Foucault, Bourdieu) dans la naphtaline pour célébrer de vulgaires commentateurs d’actualité le samedi soir en seconde partie de programme, sans parler de la troisième… Le SPLIF, qui refuse le statut de vraie littérature à la science-fiction dans laquelle se cachent pourtant d’autres vrais penseurs (pensée pour Ayerdhal, qui va bien nous manquer)… Le SPLIF, où l’on voit émerger, tout à coup, comme l’idée d’une suite au bouquin d’Orwell par un auteur algérien de langue française fustigeant (encore un peu de novlangue, Madame la Baronne ?) les excès de foi auxquels on assiste dans le Monde Arabe.

« (…) il fallait tout renommer, tout réécrire de sorte que la vie nouvelle ne soit d’aucune manière entachée par l’Histoire passée désormais caduque, effacée comme n’ayant jamais existé. »

Boualem Sansal – 2084 – La Fin du monde

Alors que le lecteur s’attend à lire une dystopie dans la lignée de 1984, il se fait balader dans un conte affreusement voltairien où tous les noms ont été changés, mais dont le manque cruel de dialogues accentue le côté anxiogène. Orwell n’est ici utilisé que comme une structure formelle, un canevas prêt à l’emploi où l’idéologie religieuse emprunte les habits du totalitarisme avec un talent certain mais sans surprise aucune. Aux deux tiers du bouquin, on a très envie de crier : « Mais je le savais déjà, tout ça ! » et, surtout, de passer à autre chose tant Boualem Sansal apporte peu de choses au concept original d’Orwell. On est en effet en droit de se demander à qui s’adresse ce (petit) pâté indigeste, tant son côté didactique et son manque profond d’originalité ne peuvent qu’agacer le lecteur d’anticipation qui finira à coup sûr par conclure que, finalement, la SF fait bien de se tenir en dehors du SPLIF. Relisez plutôt l’original, le 1984 d’Orwell dont on dit tout et n’importe quoi, ces derniers temps.

Grégory DRAKE

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