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Les critiques de Bifrost

Temps

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Stephen BAXTER
FLEUVE NOIR
546pp - 22,00 €

Bifrost n° 46

Critique parue en avril 2007 dans Bifrost n° 46

Persuadé que l'avenir de l'homme est dans l'espace, Reid Malenfant, exclu de la NASA, a convaincu des investisseurs de financer un programme concurrent de conquête spatiale à rentabilité immédiate avec l'exploitation d'astéroïdes. C'est un excentrique optimiste qui n'est jamais là où on l'attend. Son ancienne épouse, Emma Stoney, qui est restée sa secrétaire, le soupçonne de s'être inventé une maîtresse juste pour se consacrer davantage à ses projets. Ceux-ci changent notablement quand Cornelius Taine, un mathématicien, parvient à théoriser l'extinction de l'humanité dans les deux siècles à venir par un cataclysme quelconque, une conséquence de la surpopulation ou de l'épuisement des matières premières, théorie qui ne peut que flatter les idées d'un Reid pressé de voir l'homme quitter la planète. Taine le convainc cependant de tenter une expérience délirante, persuadé que si l'homme est parvenu à s'en sortir, il a envoyé un message dans le passé pour prévenir ses ancêtres. La détection de ce message, réalisée à partir du comptage de neutrinos issus de désintégrations de quarks et d'anti-quarks, est une preuve d'autant plus vertigineuse qu'elle désigne un astéroïde a priori insignifiant, Cruithne, mais dont l'orbite est si bien ajustée à celle de la Terre qu'elle constitue un mystère. Il n'en faut pas plus pour que Reid modifie ses plans, envoyant sa fusée sur un objectif moins facile à atteindre, avec, à son bord, un calmar génétiquement modifié dont l'intelligence, pour rudimentaire qu'elle nous apparaisse, est exceptionnelle par rapport à ses congénères. Sheena 5 sait que son voyage est sans retour et l'accepte plus facilement que bien des humains ayant appris sa présence à bord. Alors que se posent des questions éthiques sur l'emploi de calmars dans l'espace, l'humanité s'inquiète, dans le même temps, de l'apparition d'enfants surdoués à travers le monde, dans des quartiers défavorisés, qui tous dessinent des cercles bleus. La peur qu'ils suscitent amène la société à les confiner dans une école en Australie, où ils sont suivis…

Autour de ces trois axes, les enfants surdoués, les céphalopodes amenés à l'intelligence et le message en provenance du futur, Stephen Baxter élabore une intrigue échevelée, où la découverte sur Cruithne d'un artefact permettant de passer d'un univers à l'autre emmène les héros dans une multitude de mondes parallèles. Tout au long de cette folle aventure se pose la question du sens de la vie et celle de l'immortalité de l'espèce. L'humain se refuse à croire qu'il s'éteindra un jour, au mieux avec la mort de son soleil, ni, s'il parvient à essaimer dans la galaxie et au-delà, à disparaître en même temps que l'univers, lui aussi mortel. La théorie des univers parallèles qu'il développe, si elle assure une pérennité, pose cependant d'autres questions.

Stephen Baxter a le sens du cosmique. La première partie du roman, passionnante dans ses développements très hard science, comme l'usage de particules voyageant dans le temps, l'emploi de calmars pour l'exploration spatiale, la confiscation de l'espace par la NASA (un reproche qu'il a déjà utilisé ailleurs) rappelle que l'auteur fut lui-même un candidat aux étoiles refusé par la NASA. Si l'espace a perdu un astronaute, la science-fiction a gagné un écrivain d'envergure, qui possède un sens de l'intrigue et du rythme capables de transformer le plus assommant exposé scientifique en insoutenable suspense.

Au terme de cette aventure absolue se pose la question de savoir ce que Baxter pourra bien encore raconter dans les prochains volumes de la trilogie (Espace et Origine), tant il semble être allé loin dans l'exploration de son univers. Il est surprenant que ce très grand roman ait dû attendre huit ans pour être traduit en France (mais il est tout aussi irritant de voir que nombre d'œuvres de Baxter, comme les séries Xeelee, Behemoth et Time's Tapestry, restent inédites chez nous).

Claude ECKEN

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