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Les critiques de Bifrost

Pratès : Le coeur de Tramorée 2

Pratès : Le coeur de Tramorée 2

Javier NEGRETE
L'ATALANTE
384pp - 19,90 €

Bifrost n° 73

Critique parue en janvier 2014 dans Bifrost n° 73

« La Chronique de Tramorée » est un cycle de fantasy composé de quatre tomes dans son édition originale, en Espagne, et de cinq tomes pour son édition française, le quatrième ayant été coupé en deux par l’Atalante pour des raisons économiques, bien évidemment.

Zémal, premier tome de ces chroniques, est paru en mars 2005. Syfrõn, le tome 2, approfondit l’univers très vaste de Tramorée. L’intrigue n’y est plus seulement à l’échelle des personnages, mais des royaumes. Un livre monde et monstre de plus 800 pages, dans lequel on ne s’ennuie pas une seconde. Yugaroï poursuit l’aventure, à peu de chose près, là où s’arrêtait Syfrõn. Ce troisième tome contient d’importantes révélations sur les dieux et le monde de Tramorée. On bascule alors dans une fantasy matinée de concepts propres à la science-fiction. Agarta, quatrième tome français, poursuit dans cette veine non sans illustrer la célèbre citation d’Arthur C. Clarke : « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie ».

Ces quatre livres nous amènent à Pratès, ultime tome, difficile à résumer sans déflorer l’intrigue du cycle et gâcher la lecture d’Agarta. Le plus simple reste de plagier la quatrième de couverture : « Dans quelques jours, les trois lunes s’aligneront et le dieu Tubilok ouvrira les porte de l’infernal Pratès. La Tramorée sera anéantie. »

Le principal reproche que l’on pourrait faire à ce tome final est dû au découpage de l’édition française : des lignes narratives semblent surgir de nulle part, ce qui est carrément gênant pour quelqu’un qui lirait les tomes 4 et 5 à plusieurs mois d’intervalles. Le deuxième point négatif réside dans la présence d’événements narrés par plusieurs points de vue différents. Le rythme de l’intrigue en souffre, surtout au début.

Au-delà de ces modestes reproches, Javier Negrete confirme qu’il est un excellent conteur et un styliste exceptionnel. Que ce soit dans la narration de batailles, de duels, dans la description des villes ou des personnages, l’écriture est ciselée et précise. Une fois passées les lenteurs du début, le récit s’emballe et l’auteur tient en haleine le lecteur en insufflant un vrai souffle épique à son histoire. Concernant les personnages, on évolue assez loin des clichés de la fantasy, et pourtant la galerie est impressionnante (enfants, jeunes et vieux soldats, érudits, magiciens, dieux…). Attachants et intéressants, les personnages souffrent, doutent, jalousent, bref, suent leur humanité (ou inhumanité !) jusqu’au bout des ongles (griffes). Mention spéciale au Gourdin, qui amène une touche d’humour dans des moments pas toujours drôles.

« La Chronique de Tramorée » s’achève donc ici, et c’est avec regret que nous quittons ses héros et son univers dont les soubassements tiennent davantage de la science-fiction que de la fantasy. Ce cycle n’est pas une énième tolkiennerie comme il s’en produit à la chaîne, c’est une œuvre-univers extraordinaire, flamboyante, extrêmement bien pensée où tout a été réfléchi en amont. Oui, il y a cinq tomes, ou disons quatre très gros, mais chacun apporte des éléments à l’univers créé et ce n’est qu’à l’issue de ces cinq livres qu’on prend la véritable mesure de cette création magistrale qui semble passer quelque peu inaperçue par chez nous. À lire absolument.

Manuel BEER

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