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Les critiques de Bifrost

Origines

Origines

Laurence SUHNER
L'ATALANTE
24,50 €

Bifrost n° 80

Critique parue en octobre 2015 dans Bifrost n° 80

Vous qui n’avez lu aucun des deux premiers volumes de « QuanTika », passez votre chemin. Ou sautez quelques lignes pour ne pas trop déflorer le sujet. Car Origines commence exactement là où L’Ouvreur des chemins nous avait laissés : quelques personnages avaient réussi à échapper à la Milice et au cataclysme menaçant Gemma en fonçant vers le Grand Arc, cet artefact resté mystérieux et inexpugnable jusqu’ici. On les retrouve à l’intérieur, dans un monde aux antipodes de la planète de glace. La chaleur y règne en maîtresse, à laquelle s’ajoute une gravité plus importante. Nos aventuriers involontaires vont éprouver bien des difficultés dans l’exploration de ce lieu tant convoité. D’autant que les inimitiés, voire les haines, parcourant le groupe iront s’exacerbant. Et pour couronner le tout, les explorateurs vont se retrouver séparés, seuls ou par deux ou trois face aux dangers du Grand Arc et à ceux, plus grands encore, de l’étape suivante : Timkhâ, le monde de Tokalinan.

Dans Origines, les questions posées par les tomes précédents vont enfin trouver des réponses. Nous allons enfin pénétrer ce vaisseau gigantesque et découvrir la raison de sa présence autour de Gemma. Même si, pour tout savoir, il faudra patienter deux longues parties (le roman est divisé en trois, de taille plus ou moins égales). C’est là le défaut principal d’Origines. Les dangers affrontés par Maya, Stanislas, Kya, Haziel, Ambre et les autres sont un peu répétitifs. Et le monde évoqué n’est pas d’une grande originalité : de grosses bêbêtes aux multiples pattes et grandes dents ; une nature hostile, surtout pour des personnes habituées à un monde de glace, mais pas si étonnante que cela pour nous. On patiente donc en rongeant son frein. Mais il faut tenir. Le jeu en vaut la chandelle, car le final est réussi : accélération des péripéties, affrontements entre les rivaux éternels, exacerbation des sentiments. Tout y est pour nous satisfaire (et nous faire regretter d’autant les errements précédents).

Si le thème de l’artefact, objet de toutes les convoitises, ne peut que faire penser à L’Anneau-monde de Larry Niven, ou au plus réussi Rendez-vous avec Rama d’Arthur C. Clarke, Laurence Suhner a choisi une toute autre direction. Le cœur des enjeux demeure bien évidemment les mystères renfermés par le Grand Arc. Mais pour l’auteure, ce n’est qu’un moyen supplémentaire d’amener ses personnages, et avec eux les lecteurs, vers la résolution finale. Et aussi, surtout, souder davantage encore le couple Ambre/Tokalinan. Ces deux êtres issus de races différentes constituent bel et bien le centre de la trilogie, portent véritablement, par l’alchimie qui les lie, par leurs tentatives de communication et de compréhension l’un de l’autre, l’œuvre toute entière et l’ensemble de son univers. Les autres personnages gravitent autour d’eux, plus ou moins présents, plus ou moins forts, plus ou moins émouvants. Mais ils apportent avant tout un peu de légèreté, un souffle bienvenu, tant la tension du lien entre Ambre et Tokalinan est forte et exigeante pour le lecteur.

Ultime tome de la trilogie, Origines, en dépit de quelques longueurs, termine en beauté ce qui constitue un bel objet de SF en langue française. Le mysticisme y côtoie la hard science, l’envoûtement de la musique accompagne l’exotisme des Timkhans. Aussi ne boudons pas notre plaisir. Un voyage d’une telle force à travers les mondes, au plus profond des passions humaines et extra-humaines, ne se refuse pas. Et si vous n’êtes pas convaincu, écoutez donc Christopher Priest (tout de même !) qui en signe la préface : « Ce n’est pas seulement un monde ou un système stellaire qui se dévoilent dans ces pages remarquables, mais un univers tout entier. »

Raphaël GAUDIN

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