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Les critiques de Bifrost

Les Zinzins d'Olive-Oued

Les Zinzins d'Olive-Oued

Terry PRATCHETT
L'ATALANTE
416pp - 19,90 €

Bifrost n° 7

Critique parue en janvier 1998 dans Bifrost n° 7

 

Pratchett est partout. Si si ! Jeux vidéo, dessins animés (je vous parie qu'on va pas tarder à voir arriver la BD et le jeu de rôle), quant aux bouquins, alors là, c'est l'avalanche. Les Annales du Disque-monde semblent définitivement embarquées dans une ronde sans fin chez L'Atalante (Les zinzins… est le dixième tome, un volume paru en Angleterre en 1990, ce qui laisse imaginer ce qui suit…), sont en cours de rééditions en poche chez Pocket (les deux premiers volets, vraiment excellents, sont disponibles),

J'Ai Lu nous a récemment proposé le Cycle des Gnomes (en trois tomes — et vient tout juste de publier Le peuple du tapis, un écrit de jeunesse), L'Atalante toujours un autre cycle, celui des Johnny (trois tomes à ce jour), Pocket, enfin et encore, qui vient de publier Strate-à-gemmes dont on aura l'occasion de reparler. Ouf ! Aussi et puisqu'à Bifrost on a pas peur des mots, soyons clairs : qu'on le veuille ou pas la pratchettmania est là ! ! ! Et ça ce comprend. Parce que très franchement, mis à part un ou deux titres moyens, la plupart des bouquins de ce diable d'Anglais sont excellents.

Pour ceux qui auraient raté le début, c'est à dire neuf tomes, soit approximativement trois mille pages, le Disque-monde est… plat ! Sorte de grosse galette acrobatiquement posée sur le dos d'éléphants eux-mêmes arc-boutés sur la carapace d'une tortue stellaire en quête d'un compagnon, on y observe les tribulations de personnages loufoques, magiciens, sorcières, guerriers farouches ou effarouchés, dragons, bref tout ce qui fait d'un monde un univers de Fantasy, l'ensemble étant fortement saupoudré, voire carrément sauvagement assaisonné, d'humour et de dérision.

Aussi qu'on se rassure d'emblée, ce dixième tome ne déroge pas à la règle : Les Zinzins d'Olive-Oued est véritablement bien « barré », peut-être même plus que les autres. Il faut dire que Pratchett pousse ici le bouchon très loin : revisiter le mythe hollywoodien à la mode Heroic-Fantasy, il fallait le faire. Et pourtant… Car en effet, il y a un « pourtant ». Voyez-vous, les livres du Disque-monde fonctionnement généralement, pas toujours mais souvent, selon un schéma éprouvé qu'il est possible de résumer ainsi : un, deux ou trois personnages principaux vivent leur vie, bien tranquilles, à mille lieues de se douter qu'ils vont bientôt devenir les héros d'un bouquin de Pratchett ; dans le même temps un, deux ou trois autres types font quelque chose qui va provoquer un autre quelque chose, ce dernier quelque chose étant en principe l'intrigue de fond qui sous-tend les déboires des gus dont le rôle prochain de héros se précise à grands pas. Ce schéma est tout à fait celui des Zinzins d'Olive-Oued. Le problème, ici, c'est que l'intrigue de fond supposée sous-tendre le récit est très longue à ce mettre en place, trop longue, en fait. Alors bien sûr on s'esclaffe devant les merveilleux personnages de Pratchett, si radicaux, si détestablement humains dans leurs bassesses mais aussi leurs grandeurs. On s'amuse des références cinématographiques dont l'ouvrage est truffé, on note une ou deux réflexions très sérieuses de l'auteur sur la fatuité humaine, l'inanité du succès, le besoin de reconnaisse d'autrui… puis, brusquement, on se prend à trouver qu'après trois cent pages le temps est un peu long, d'autant qu'il y en a encore plus de cent à venir. Ainsi arrive-t-on à la conclusion, étonnante s'il en est pour un bouquin de Pratchett, que tout cela est un peu mou. Eh ouais… dommage… tant pis.

On résumera donc en affirmant que Les zinzins d'Olive-Oued n'est pas un mauvais bouquin (il y a eu plus décevant de la part de Pratchett, à l'image de Faust/Eric chez le même éditeur), mais l'auteur a tout simplement déjà fait bien mieux. Voilà qui ne nous empêchera pas, malgré tout, de nous laisser bercer par les échos de cette fresque abracadabrante, et ce même si le film, pardon le livre, nous laisse comme un arrière goût de déception. Et puis après tout, Olive-Oued reste Olive-Oued, non ?

Olivier GIRARD

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