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Les critiques de Bifrost

Les Fables de l'Humpur

Les Fables de l'Humpur

Pierre BORDAGE
J'AI LU
415pp - 13,57 €

Bifrost n° 17

Critique parue en février 2000 dans Bifrost n° 17

Après Serge Lehman et le duo Ayerdhal/Dunyach, c'est au tour de Pierre Bordage de faire son entrée dans la collection « Millénaires », avec ce que l'on nous présente comme son premier roman de fantasy. Mettons tout de suite les choses au point : si Les Fables de l'Humpur se déroulent bien dans un cadre féodal et empruntent une bonne partie de leur vocabulaire à l'ancien français, nous sommes bel et bien en présence d'un roman de science-fiction.

Dans un futur indéterminé, l'humanité n'existe plus, ayant cédé la place à diverses espèces hybrides, mi-hommes, mi-animaux : ils se nomment grognes (porcs), hurles (loups), ronges (rats) ou miaules (chats) et vouent un culte à l'ancienne race disparue.

Véhir est un grogne mal dans sa couenne, qui rejette les lois absurdes de son dan et qui, après avoir rencontré un autre paria de son peuple, détenteur d'un savoir séculaire, décide de partir à la recherche des anciens dieux. Pour cela, il n'aura d'autre choix que de s'allier à une hurle, sa prédatrice naturelle, elle aussi mise au ban de sa société. Au fil de leurs pérégrinations, les deux héros rencontreront leur content d'aventures, de nouveaux amis et de nouveaux ennemis.

Depuis bientôt dix ans, on a eu le temps de s'habituer au style Bordage, tant à ses qualités (un rythme soutenu et une lisibilité extrême) qu'à ses défauts (une absence presque totale d'originalité, une écriture et des personnages stéréotypés au possible).

Sauf qu'ici, la plupart de ces défauts sont quasiment imperceptibles. En puisant abondamment dans le lexique de l'ancien français, Bordage a créé une langue à la fois exotique et intelligible. Et si ses héros sont des caricatures d'humains, ce fait est justifié par leur nature même. À ce titre, la scène dans laquelle Véhir propose à ses compagnons de voyage de le dévorer pour qu'ils ne meurent pas de faim est tout à fait poignante. En outre, le romancier semble beaucoup plus à l'aise dans cet univers moyenâgeux que dans les mondes futuristes qu'il met habituellement en scène. Seul regret : la fin du roman est assez décevante, ne proposant qu'une mise en garde des plus éculées, genre « le progrès, des fois, eh ben ça donne pas que des choses bien, ma bonne dame, ahlala ». N'empêche, par rapport au Parleur d'Ayerdhal, réédité au même moment en « Millénaires », la comparaison est tout à l'avantage de Bordage, qui ne sacrifie jamais son récit à un discours politique aussi envahissant qu'infantile. Un très bon roman donc, certainement le meilleur de son auteur.

Philippe BOULIER

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