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Les critiques de Bifrost

Les Biplans de D'Annunzio

Les Biplans de D'Annunzio

Luca MASALI
FLEUVE NOIR
308pp - 13,00 €

Bifrost n° 15

Critique parue en novembre 1999 dans Bifrost n° 15

En 1921, la première Guerre Mondiale n'est pas terminée : l'Autriche-Hongrie est toujours debout et n'a pas donné naissance à la Yougoslavie, la Russie désire faire annexer la Bosnie-Herzégovine par une Serbie autonome. Ce qui n'est, pour le professeur Princip, descendant de l'assassin de l'archiduc Ferdinand à Sarajevo, qu'un jeu intellectuel, un roman uchronique, est la réalité pour Mattéo Campini, qui pourrait être un des aviateurs du Grand Cirque décrit par Closterman. Jusqu'à ce que Flavia et Augusto réclament son aide pour les aider à changer le cours du passé. Ils lui avouent venir de 2021 et appartenir à l'agence de voyage Belle Epoque, spécialisée dans le tourisme historique. Ils ont besoin de ses talents de pilote pour se rendre à Vienne, en territoire ennemi à l'aide d'un biplan bricolé avec les apports technologiques de demain, afin de mettre fin à la guerre et supprimer cette chronoligne dérivée avant qu'elle ne se substitue à l'histoire réelle.

Dans le présent, un couple de journalistes indépendant travaillant sur Internet traque Mirko Svobodak, le Boucher de Srebreniva qui se trouve être en relation avec Di Michele, le directeur de l'agence de voyages temporels.

En effet, celui-ci, nationaliste serbe convaincu, tente de restaurer une Grande Serbie en s'inspirant de l'uchronie de Princip pour influencer au bon moment les personnages clé de la période historique visée. Pour empêcher le rétablissement de la ligne temporelle originale, il agit dans le plus grand secret, en fermant l'accès du XXe siècle aux touristes.

À cheval sur deux guerres, le roman de Masali établit un lien historique direct entre l'actuelle guerre des nationalistes serbes et celle de 14-18, époque charnière pour l'histoire du monde : la première grande guerre dessine le visage de l'Europe actuelle, voit la naissance des principes de nationalité, de démocratie, du communisme, des idées de classe.

Faisant preuve d'une excellente connaissance de cette période historique, l'auteur met en scène, dans des rôles décalés, des personnages aussi divers que Hermann Göring, Armando Diaz, le poète D'Annunzio et d'autres acteurs de second plan, voire des personnages de roman (Settembrini apparaît chez Thomas Mann). Malgré les explications délivrées au cours du récit, il n'est pas toujours facile de s'y retrouver parmi les protagonistes et de saisir tous les enjeux. De même, la partie dévolue à l'aviation démontre l'érudition de Masali dans le domaine et risque d'agacer les profanes par des explications trop circonstanciées. Il n'est heureusement pas nécessaire d'être féru en histoire ou en aviation pour apprécier l'intrigue et la réflexion qui la sous-tend. Un roman qui a obtenu en Italie le prix Urania, l'équivalent du Hugo américain.

Claude ECKEN

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