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Les critiques de Bifrost

Le Voyageur

Le Voyageur

John TWELVE HAWKS
JEAN-CLAUDE LATTÈS
480pp - 20,30 €

Bifrost n° 45

Critique parue en janvier 2007 dans Bifrost n° 45

Jean Douze Faucons fait donc partie de la caste des écrivains mystérieux. Personne ne l'a jamais vu, pas même son agent ou son éditeur. Si si ! Il utilise un téléphone satellite (comme ses persos), pour ne pas se faire repérer, et déguise sa voix avec un vocoder. Malin. C'est un peu le James Bond du thriller-SF. Il est publié par l'éditeur du Da Vinci code, aux USA comme en France. Un signe, non ? Oui, mais de quoi ? Son premier roman, Le Voyageur, est le premier volet d'une trilogie de cette pure science-fiction que les éditeurs préfèrent appeler thriller. Les trois phrases de quatrième de couverture sont tout aussi mystérieuses, au point de ne rien vouloir dire. L'histoire est parsemée de repères tellement énormes que ça clignote comme une guirlande de Noël en supermarché. Visez donc. Notre monde vit ses dernières années de liberté. Le gouvernement américain a développé un système de surveillance qui s'étend à toute la planète : caméras, réseaux informatiques et électroniques, personne n'échappe à la Grille. C'est un peu Matrix. Ce système est dirigé par un groupe appelé les Frères (ou la Tabula — rapport au massacre des Templiers, mais là, c'est trop long pour que je vous raconte) qui réprime toute tentative d'indépendance des citoyens. Comme dans 1984. Leurs ennemis sont les Voyageurs, des individus capables de se déplacer dans des mondes parallèles en projetant leur énergie… neurale ! C'est héréditaire. Ils reviennent de ces univers nantis de connaissances nouvelles, précieuses, sur d'autres civilisations inconnues, très dangereuses pour l'équilibre de notre société sécuritaire. Pour protéger ces Voyageurs, il y a les Arlequins, des guerriers initiés à la Voie du sabre et hypra-forts. Comme dans Kill Bill. Aujourd'hui, il n'en reste qu'un. Comme dans Highlander. Ou plutôt une, Maya, qui doit absolument sauver le dernier Voyageur sans se faire zigouiller, comme son père et ses autres potes Arlequins. Elle parcourt le monde avec son sabre et découvre qu'en fait il reste deux Voyageurs. Deux frères, dont l'un a déjà été capturé par la Tabula, qui le force à voyager sous son contrôle. Avec l'aide de compagnons sympathiques, Maya sauve l'un des deux frères (elle est carrément amoureuse de lui, ce qui est contraire aux règles des Arlequins, gare !), mais l'autre est passé dans le camp des méchants. Rideau pour cette première aventure, de quasi 500 pages tout de même…

Bon, voilà donc le nouveau prodige qui doit suivre les traces de Dan Brown. John Twelve Hawks a manifestement une certaine expérience de l'écriture : on sent la volonté du divertissement, la construction dynamique, les personnages stéréotypés mais pas pour rire, bref, du sur mesure aux petits oignons pour le prochain film de Ron Howard. Mais formater un livre de S-F pour en faire un best-seller, ce n'est pas si simple. Ça se saurait, du reste. Pourtant, dans une interview du monsieur que l'on trouve sur le site de l'éditeur (retranscrite de l'anglais — je vous la conseille vivement, c'est un morceau de philosophie tel qu'on se demande si, finalement, John Twelve Hawks ne serait pas le clone américain de Henri Lœvenbruck) on apprend avec stupeur que Douze Faucons est simplement un gros parano qui a peur de ces « gens invisibles » qui nous surveillent. Que ce livre est autobiographique, que tout ça, c'est la vraie vie. Alors là, je dis : arrête de regarder la série Alias, c'est pas bon pour ce que tu as. Et voilà pas que je me trompe lourdement : le monsieur n'a jamais vu ni Alias, ni même tous ces films joyeusement pompés dans son bouquin. Sauf le premier, Matrix, mais ça, c'est de la S-F, pas son bouquin, vous comprenez ? Le Voyageur est ancré dans le réel, dit-il. Et là je cite, pour le plaisir : « Personne ne volera jamais dans mes romans ».

Ça tombe bien, il n'y en aura peut-être pas d'autre.

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