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Les critiques de Bifrost

Le Vent de nulle part

Le Vent de nulle part

James Graham BALLARD
POCKET
224pp - 6,00 €

Bifrost n° 59

Critique parue en juillet 2010 dans Bifrost n° 59

« Au début, il y eut la poussière ». Maitland, chercheur en génétique microbienne, assiste aux prémices de la catastrophe : des vents dont la vitesse augmente chaque jour de huit km/h balayent la surface de la Terre sans faiblir. Les avions sont cloués au sol, le Queen Mary s’est échoué non loin de Cherbourg, et les tours TV se sont écroulées comme de vulgaires châteaux de cartes. La poussière, c’est celle des reliefs littéralement arasés par ce vent furieux d’origine inconnue. Poussière d’un monde terrassé par un simple désordre climatique, poussière de civilisations qui, hier encore, croyaient pouvoir asservir la nature à leur guise. Et tandis que les immeubles s’effondrent — spectacle grandiose que certains préfèrent contempler avant de disparaître —, tandis que l’humanité s’enterre tant bien que mal dans ses abris de fortune, le milliardaire Rex Hardoon érige une pyramide monstrueuse et ses infranchissables murailles, les Grandes Portes du Vent.

Ecrit en quelques semaines, le premier roman de J. G. Ballard — qui ne souhaitait plus entendre parler de cette « œuvre commerciale à cent pour cent » et s’opposait à sa réédition — est encore loin du niveau du Monde englouti et La Forêt de cristal, mais n’en déploie pas moins le même dispositif, à commencer par cette fameuse résignation des personnages, leitmotiv de toute son œuvre. Le Vent de nulle part est d’abord le récit d’un abandon, celui des hommes, qui se traduit par l’effacement de toute dynamique narrative : aucune acmé ici, aucun creux. Comme le vent lui-même, qui souffle sa mort brûlante sans discontinuer, le roman ne réserve ni ralentissement, ni accélération, seulement une inéluctable (et monotone) ascension vers la folie furieuse des huit cents km/h. Certains, comme Lanyon, trouvent les ressources pour se frayer un chemin dans cet enfer vers un avenir rien moins qu’incertain, mais la plupart, incrédules puis léthargiques, se contentent d’attendre que la mort vienne les saisir, comme l’ex-petite amie de Maitland, Susan, qui, fascinée, regarde les édifices tomber.

Olivier NOËL

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