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Les critiques de Bifrost

Le Dernier Château et autres crimes

Le Dernier Château et autres crimes

Jack VANCE
LE BÉLIAL'
384pp - 21,00 €

Bifrost n° 71

Critique parue en juillet 2013 dans Bifrost n° 71

Un roman et trois novellas composent ce sixième opus de Vance au Bélial’, qui poursuit son travail de redécouverte de cet auteur. Il est orchestré autour d’intrigues policières ou de complots de palais, qui sont toujours en lien plus ou moins étroit avec les foisonnants aspects de la planète explorée et de sa société.

Les Maisons d’Iszm est un agréable petit roman qui trouve une résonance nouvelle dans notre actualité, interdisant l’importation frauduleuse de plantes, graines, pollen, pour en tirer des propriétés à des fins mercantiles. En effet, la planète Iszm détient le monopole des multiples variétés de maisons vivantes, dont seuls les exemplaires mâles sont exportés à travers la galaxie. Pour empêcher les rares visiteurs, forcément suspects, de ramener un élément femelle, on les soumet à des contrôles stricts et on les sonde en permanence. A fortiori Aile Farr, que le statut de botaniste met en danger : il n’a pas de plan préconçu, ni de réel désir de voler, pourtant on tente de l’assassiner tout au long de son voyage, et même durant le vol de retour, sans qu’il sache pourquoi, ni si on le manipule. L’intrigue n’apparaît que progressivement, alors que des éléments de l’énigme ont commencé d’être résolus. Le lecteur aurait aimé s’attarder sur ce monde où la technologie est basée sur le végétal pour en découvrir d’autres aspects. Or, la narration est rapide, souvent elliptique, comme si Vance avait livré un synopsis dialogué plutôt qu’une œuvre achevée. Son sens du rythme reste cependant intact, de sorte qu’il parvient malgré tout à équilibrer son roman et à lui donner vigueur.

« Alice et la cité » présente à l’inverse des personnages forts : une jeune fille habituée à aborder des mondes étrangers car ses parents voyagent pour affaires, intelligente et sûre d’elle, un rien méprisante dans ses jugements péremptoires, et Bo, un mauvais garçon manipulateur et imbu de sa personne, habitué à satisfaire ses désirs. Quand ce dernier essuie un échec après s’être montré lourdement entreprenant, il décide de se venger… Une critique ironique des citadins de grandes villes qui pensent profiter de la naïveté des provinciaux.

« Fils de l’arbre » joue sur l’opposition entre la science et la religion. A la recherche de celui qui lui a ravi la femme qu’il aime, Joe Smith débarque sur un monde où toute la population est au service des druides adorateurs d’un arbre gigantesque, religion autour de laquelle tout s’ordonne. Ici aussi, tout arrivant est considéré comme un espion issu de la planète rivale. En tant que mécanicien, Smith n’a aucun mal à trouver un emploi de réparateur sur cette planète où la science et le savoir sont bannis, ce qui lui permettra d’économiser de quoi poursuivre son périple. Mais il tombe malgré lui sur un complot qui l’entraînera sur le monde antagoniste, ce qui, au passage, lui décillera les yeux sur les amours romantiques et les idées toutes faites.

« Le Dernier Château » présente une société de nobles esthètes en proie à la révolte de ses esclaves extraterrestres, les Meks, seuls capables d’entretenir leurs machines dont ils ignorent le fonctionnement. Les Nomades, humains trop longtemps ignorés et méprisés, refusent leur aide. A trop dormir sur ses lauriers, la civilisation est menacée. Résister dignement semble la dernière alternative, pour l’honneur. Du propre aveu de l’auteur, ce récit, prix Nebula 1966 et Hugo 1967, se base sur les différences de classes trop marquées entre les différentes couches de la société japonaise, qui conduisent à la scléroser.

Complots, aveuglements, oppositions idéologiques ou sociales tissent des correspondances d’un récit à l’autre, et sont autant d’échos qui donnent à ce recueil sa cohérence. Comme toujours avec Vance, ses talents de conteur emportent l’adhésion de toutes les classes de lecteurs.

Claude ECKEN

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