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Les critiques de Bifrost

Le Chevalier errant - L'épée lige

Le Chevalier errant - L'épée lige

George R.R. MARTIN, Paul BENITA, Jean SOLA
J'AI LU
251pp - 5,20 €

Bifrost n° 53

Critique parue en janvier 2009 dans Bifrost n° 53

Après des années passées à produire en vain d'excellents romans et de brillantes nouvelles, le succès a fini par sourire à George R. R. Martin avec la saga du Trône de fer : une sombre épopée médiévale pleine de bruit et de fureur sur laquelle plane l'ombre des dragons.

Les deux textes non inédits composant cet ouvrage sont parus dans l'anthologie Légendes (2001) chez J'ai Lu pour l'un, et dans l'anthologie Légendes de la fantasy T.1 (2005) chez Pygmalion pour l'autre. Ces deux novellas ne constituent ni un prélude ni une préquelle au Trône de fer. Elles ne sont en rien liées aux événements ultérieurs. Certes, elles ont Westeros pour cadre et se déroulent plusieurs siècles avant la saga, mais rien de plus. Reste qu'elles ont évidemment vocation à faire connaître cet univers à de nouveaux lecteurs.

Westeros, ce sont les terres de l'Ouest, un pays ou un continent dont on a quelques peines à évaluer les dimensions, connu sous la dénomination des Sept Couronnes ; lesquelles ont été unifiées par des envahisseurs venus de Valyria chevauchant des dragons cracheurs de feu, les Targaryen. Depuis des milliers d'années, sans que l'on en connaisse la raison, Westeros reste figé dans un éternel XIIIe siècle, avant l'apparition de la bombarde… Westeros n'est nulle part sur Terre : c'est un autre monde mais les patronymes, pour beaucoup, fleurent bon le monde anglo-saxon — Stark, Lannister, Tyrell, etc — ou la francophonie dont les sonorités ont pénétré l'Angleterre à la suite de Guillaume — ainsi Accalmie, Villevieille, Vivesaigues, Motte la Forêt et autres. Cet univers apparaît donc comme une construction synthétique servant de théâtre aux péripéties de la saga. Rien ne vient nous donner à penser que le monde de Westeros appartiendrait à un univers spatial connexe à notre monde.

Il suffirait pourtant de remplacer les noms de lieux par d'autres, pris sur des cartes de France ou d'Angleterre, Péronne, Charleroi, Béthune, Reims, pour que l'on passât de l'univers de Martin à celui de Walter Scott, de la saga du Trône de fer à Quentin Durward ou Ivanhoé.

Tant « Le Chevalier errant » que « L'Epée lige » relève bien davantage du roman historique plutôt que de la fantasy, ces deux textes ne s'appuyant sur aucun élément merveilleux. Dans les deux cas, les règles de la chevalerie constituent les moteurs des intrigues bien qu'elles soient appliquées dans le contexte de Westeros. La pertinence historique des règles en question pourrait peut-être prêter à querelles de spécialistes mais, à Westeros, peu importe. Ce qui compte, c'est qu'elles permettent à l'auteur de nous offrir deux histoires prenantes sans trop malmener notre incrédulité. « L'Epée lige » se compare volontiers au « Service des dames », l'un des textes de Janua Vera, le beau recueil de Jean-Philippe Jaworski publié aux Moutons électriques.

Ces deux textes sauront faire patienter les fans de la saga auxquels on conseillera en passant de se pencher sur le recueil de Jaworski, qui le mérite largement et où ils devraient trouver leur bonheur. À près de 20 euros, non inédit, ce diptyque n'a rien d'une priorité. Il faut le prendre pour ce qu'il est : deux textes destinés à promouvoir la saga réutilisés sans vergogne pour faire patienter le lecteur avide de savoir ce que vont devenir Tyrion, Aria, Stannis et Cerseï, l'extraordinaire « méchante » dont Martin affine le portrait à mesure que l'âme de la reine s'abîme dans la noirceur (ceci dit en passant, vu la vitesse avec laquelle J'ai Lu réédite en poche les bouquins de Pygmalion, il n'est pas impossible que le présent recueil soit dispo à pas cher au moment où vous lisez ces lignes). En tout cas, pour un livre à vocation purement commerciale, il est bon et peut donner une idée de l'ambiance à qui hésiterait encore à se lancer dans les douze tomes déjà parus de l'édition française.

Jean-Pierre LION

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