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Les critiques de Bifrost

Le Châtiment des flèches

Le Châtiment des flèches

Fabien CLAVEL
PYGMALION
384pp - 20,20 €

Bifrost n° 62

Critique parue en avril 2011 dans Bifrost n° 62

Dans le roman historique Le Prince et le moine de Róbert Hász (Viviane Hamy - 2007), on découvrait la Hongrie du Xe siècle grâce au voyage d’un moine bénédictin, Stéphanus de Pannonie, missionné par le pape pour rencontrer les tribus magyars et tenter de les fédérer contre un empire germanique en pleine expansion.

Le Châtiment des flèches de Fabien Clavel nous ramène, mais par le biais de la fantasy, à la même période, aux mêmes tribus de la puszta (nu, vide — la steppe, pour parler clairement) et à la même sphère de problématiques politico-religieuses. Si dans le livre de Hász le combat qui opposait les chamanes magyars à l’Eglise catholique était avant tout spirituel et philosophique, chez Clavel il en va tout autrement, fantasy oblige. Là où Hász s’intéressait principalement au voyage de Stéphanus de Pannonie, Clavel recule sa caméra et embrasse tout un territoire, toute une période historique, s’éloignant ainsi, autant que faire se peut, de l’habituelle fantasy pseudo-celtique.

Une fois passées les premières pages, franchement médiocres, Le Châtiment des flèches s’impose comme une jolie surprise : il se dévore (je me suis surpris à en lire la moitié le premier soir), les personnages sont globalement réussis (une mention à Gisela, fascinante enfant plongée par un mariage dans la violence du monde adulte), les scènes d’action aussi, ainsi que certaines scènes d’ambiance (la découverte de la tente de la chamane).

Malheureusement, outre les calamiteuses premières pages, il reste quelques défauts au niveau de l’écriture et de la narration, écueils qui nous font regretter que la direction littéraire de l’ouvrage n’ait pas été plus énergique.

a) Les dialogues sont parfois théâtraux et didactiques jusqu’au ridicule ; l’auteur ne nous inflige pas une langue ancienne réinventée (Dieu merci !), mais n’arrive pas toujours à trouver le ton juste qui permettrait au lecteur de se fondre dans l’époque décrite et de s’y installer (le même défaut caractérisait Tancrède d’Ugo Bellagamba, ce qui n’a pas empêché ledit Tancrède d’avoir deux prix à défaut de connaître un véritable succès commercial). A la décharge de Fabien Clavel, on dira que rien n’est plus dur en littérature que de trouver justement ce « ton juste », cette musique.

b) L’auteur hésite, surtout au début, entre le point de vue omniscient didactique (très scolaire, ringard) du roman historique à l’ancienne, et une narration plus moderne, plus légère, plus fantasy, où alternent les scènes à défaut des points de vue.

c) Le style, hétérogène, pique un peu les yeux, notamment lors des passages de descriptions de rivière dans lesquels l’auteur franchit allégrement le fossé qui sépare le magnifique du grotesque.

En l’état, Le Châtiment des flèches est un solide divertissement et marque un jalon décisif dans la carrière d’un auteur qui n’a de cesse de progresser sans être encore arrivé à pleine maturité. Ceux qui s’intéressent vraiment à la Hongrie des XXIe siècles préféreront l’ouvrage de Róbert Hász. Ceux qui veulent lire une fantasy francophone différente peuvent sans trop hésiter se plonger dans cet ouvrage original aux défauts mineurs et aux souffles historique et fantastique bel et bien présents.

Thomas DAY

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