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Les critiques de Bifrost

La Dernière flèche

La Dernière flèche

Jérôme NOIREZ
MANGO Jeunesse
360pp - 17,00 €

Bifrost n° 64

Critique parue en octobre 2011 dans Bifrost n° 64

Robin des Bois, vingt ans après… le temps a passé, et les exploits des hors-la-loi de la forêt de Sherwood ne sont plus désormais qu’un lointain souvenir pour ceux qui les ont vécus. Frère Tuck a renoncé aux plaisirs de la bonne chère et mène à présent une vie d’ermite. Will l’écarlate est devenu charcutier. Petit Jean, accusé du meurtre de sa femme enceinte, attend dans une geôle sordide que sa sentence de mort soit prononcée. Quant à Robin de Loxley, il porte le deuil de l’amour de sa vie, Marianne, et s’occupe seul de l’éducation de Diane, sa fille unique. Laquelle Diane, âgée à présent de quinze ans, mène une vie à ce point terne et sans surprises qu’elle envisagerait presque sérieusement d’entrer au couvent. Jusqu’à ce qu’un voyage à Londres en compagnie de son père ranime enfin la flamme de l’aventure.

Début 2010, au moment où, dans les salles obscures, Ridley Scott revenait aux origines du mythe de Robin des Bois, Jérôme Noirez choisissait de son côté de le prolonger, et de montrer comment, malgré les années qui passent, les légendes ne meurent jamais. De fait, s’il fallait trouver un équivalent cinématographique à ce roman, on penserait plutôt à La Fille de D’Artagnan, de Bertrand Tavernier. Il y a dans ces deux œuvres une volonté comparable de rendre hommage à tout un pan de la culture populaire.

C’est donc Diane de Loxley qui tient le premier rôle dans La Dernière flèche, tandis que son père, frappé par un mal mystérieux, se tient en retrait d’une grande partie de l’action. C’est à travers son regard innocent de jeune fille de la campagne que l’on découvre une Londres grouillante, écœurante, fascinante et mortellement dangereuse. Comme à son habitude, Jérôme Noirez parvient à décrire de manière extrêmement précise et vivante le cadre historique dans lequel il situe son récit, sans jamais l’alourdir de longs passages didactiques. Ce n’est pas la moindre de ses qualités.

Robin des Bois a beau avoir depuis belle lurette remisé au placard arc et carquois, son souvenir demeure vivace chez certains. Diane va en prendre conscience en rencontrant un jeune homme énigmatique, Tredekeiles, qui va lui faire découvrir les bas-fonds de Londres et les hommes qui luttent à ses côtés pour perpétuer le combat de son père. Mais c’est de manière plus insidieuse que la légende va petit à petit prendre pied dans le récit, s’intégrer dans son décor urbain et donner une tournure plus fantastique au roman. Car l’histoire de Robin est intrinsèquement liée à la forêt de Sherwood, ce que les Londoniens vont découvrir avec stupéfaction.

Et puis, une aventure de Robin des Bois ne serait pas envisageable sans la présence du shérif de Nottingham. Il est bien là, mais dans un rôle plutôt inattendu. Si sa haine pour son vieil ennemi n’a pas faibli, il éprouve en revanche des sentiments bien plus tendres envers Diane, en qui il croit retrouver sa fille disparue prématurément. D’où le comportement ambigu et parfois contradictoire qu’il va jouer tout au long du roman.

Qu’il s’amuse à mettre en scène les truculents compagnons de Robin ou qu’il expose les côtés les plus abjects de la vie londonienne du XIIIe siècle, qu’il s’intéresse aux premiers émois amoureux de sa jeune héroïne ou qu’il la projette au cœur des combats, Jérôme Noirez se montre d’une inspiration et d’une maîtrise égales. La Dernière flèche constitue ainsi un divertissement de choix, à la fois hommage intelligent aux œuvres qui l’ont inspiré et roman d’aventures trépidant.

[Lire aussi l'avis de Bruno Para dans le Bifrost n°59.]

Philippe BOULIER

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