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Les critiques de Bifrost

L'Éveil d'Endymion

L'Éveil d'Endymion

Dan SIMMONS
ROBERT LAFFONT
24,60 €

Bifrost n° 7

Critique parue en janvier 1998 dans Bifrost n° 7

[Chronique de l'édition originale américaine parue chez Bantam Spectra en septembre 1997]

The Rise of Endymion poursuit et conclut la saga commencée par Hypérion, énorme et incontournable best-seller S-F de la décennie. On y retrouve les personnages centraux d'Endymion : Enée, fille de Brawne Lamia et du cybride John Keats ; A. Bettik, l'androïde à la peau bleue ; Raul Endymion, héros malgré lui et narrateur du récit.

Raul est emprisonné dans une boite de Schrödinger et attend la mort sans savoir à quel moment elle frappera. Dans sa solitude il se rappelle les aventures qu'il a partagées avec ses compagnons. Après nous avoir entraîné le long du fleuve Thétys pour fuir les envoyés de la Pax, il nous raconte ici son amour pour Enée, devenue femme, et leur voyage à travers l'univers pour répandre la parole de « Celle qui enseigne ». Face à une église catholique pervertie qui offre l'immortalité du corps et a vendu son âme au Technocentre et ces machines, Enée lutte pour promouvoir l'immortalité de l'âme, l'amour et l'empathie. Le récit de Raul nous emporte et s'interrompt parfois pour nous ramener à sa triste condition et à sa fin que l'on imagine sinistre et inexorable. Après le rythme effréné du tome précédent, on retrouve ici un récit plus posé et un retour aux spéculations théologiques. L'avènement d'Endymion — The Rise of Endymion — , est en fait celui du Christ dont Enée est la nouvelle incarnation. La venue du messie sonne la fin des Dieux anciens. Les idoles tombent une à une. Les Cantos d'Hypérion sont des histoires auxquelles personne ne croit plus, Simmons détruit de sa propre main le monde qu'il a créé. L'existence du Gritche est commentée, rationalisée jusqu'à ce que rien ne subsiste de son mystère.

Les héros d'Hypérion ont pâli ou sont devenus les apôtres du nouveau messie. Simmons en fait des personnages de second rang qui apparaissent ou disparaissent dans un monde qu'ils ne tiennent plus et qui ne tient plus à eux. Seule la lumière du Messie est maintenant digne d'éclairer les choses.

Telle est l'histoire de grandeur et de décadence qui transparaît dans le récit que nous raconte Raul enfermé dans sa chambre où la mort peut s'abattre à chaque instant, où l'effroyable précarité de la vie n'est soutenable que dans la foi.

Et nous sommes prêts à y croire jusqu'à ce que Simmons se joue de nous une dernière fois. Il efface tout et dans une ultime pirouette, nous dit qu'à l'immortalité de l'âme, il préfère la brièveté d'une tranche de vie pleine du bonheur simple des êtres mortels.

Sacré Simmons.

Sophie GOZLAN

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