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Les critiques de Bifrost

Kinshasa

Kinshasa

Jonas LENN
MANGO Jeunesse
176pp - 9,50 €

Bifrost n° 61

Critique parue en janvier 2011 dans Bifrost n° 61

Rintintin, Lassie, Benji et tutti quanti. On ne compte plus les chiens ayant égayé de leur jeu un tantinet cabot les séries télévisées, films et publications destinés à la jeunesse. Il faut croire que le meilleur ami de l’homme jouit d’une place privilégiée parmi les animaux à plumes et à poils.

Kinshasa, tel est le nom d’un labrador, doté d’une robe noire, dont le pedigree ne se limite pas à tenir compagnie à sa mémère ou à décorer la pelouse d’un pavillon de banlieue. Dans le roman éponyme de Jonas Lenn, Kinshasa se révèle même être un as dans son genre. Un genre génétiquement modifié, science-fiction oblige. Doté d’un odorat maousse, bardé de caméras, micros, pourvu d’une vision télescopique, d’un embryon de parole et de la faculté de faire le zombie, c’est-à-dire de quitter son corps pour se livrer à des investigations plus poussées, Kinshasa est un supertoutou. Le fleuron de la brigade cynophile de New York. Appelé sur une scène de crime, le cyberchien ne tarde pas à flairer une piste. Il guide son maître jusqu’aux installations portuaires s’étendant à proximité, sans se douter un seul instant que le voyage lui sera fatal. Le bonhomme termine ainsi sa vie au fond des eaux glaciales de l’East River et le chien échappe de justesse au même sort. Contraint à la fuite, il rejoint à la nage les rives d’une île apparemment déserte d’où il espère être récupéré afin de témoigner…

A la lecture de ce résumé, on sent bien que l’enthousiasme ne l’emporte guère. Certes, Jonas Lenn écrit un roman pour la jeunesse honorable. Toutefois, l’intrigue reste assez plan-plan, animée par des rebondissement téléphonés et s’achevant sur un dénouement expéditif. Comme pour compenser la faiblesse de l’histoire, l’auteur ne s’embarrasse pas d’un préambule interminable. Une fois le cadre posé, les divers protagonistes entrés en scène, l’action démarre, adoptant un rythme faussement haletant. Bref, Lenn déroule son intrigue, sans esbroufe stylistique ni mièvrerie, ne s’encombrant d’aucune psychologie compliquée.

Quid des points forts du roman ? Ils sont peu nombreux. Pour commencer, Jonas Lenn adopte le point de vue d’un animal, un chien dont le cheminement olfactif, à hauteur de… (on ne le dira pas) guide le déroulé du récit. Un chien certes quelque peu amélioré, dont les facultés dopées grâce aux technosciences lui permettent d’accomplir des prodiges. Mais un chien quand même, conservant grosso modo la psychologie — enfin, façon de parler — d’un brave toutou. Sur ce point, le pari de l’auteur semble tenu.

Abandonnant vite le registre et les codes du roman policier, l’auteur opte pour le huis clos. L’île sur laquelle échoue Kinshasa est le siège d’une micro société enfantine, rappelant celle de Neverland, tout amateur de James Matthew Barrie aura immédiatement fait le lien. Jonas Lenn ne fait d’ailleurs pas secret de cette inspiration. Les allusions aux enfants perdus, à l’organisation sociétale dépourvue d’adultes et rejetant les filles, sautent aux yeux. Cependant, on se situe dans le registre du clin d’œil, voire de l’hommage, plutôt que dans celui du simple pastiche.

Au final, Kinshasa apparaît comme un roman sympathique, sans plus. Une lecture légère, adoptant un point de vue original et pas trop ridicule.

Laurent LELEU

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