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Les critiques de Bifrost

Je suis ta Nuit

Je suis ta Nuit

Loïc LE BORGNE
INTERVISTA
370pp -

Bifrost n° 51

Critique parue en juillet 2008 dans Bifrost n° 51

Parce qu'une amie de son fils s'est suicidée, son père lui écrit une longue confession, racontant son enfance dans un village breton des années 80, enfance placée sous le signe de Goldorak et de La Guerre des étoiles. Sa bande de copains, dont une fille aux allures de garçon manqué, venait de s'agrandir cette année d'une nouvelle recrue, Maël, qui vit seul avec sa mère. Ils sont victimes et témoins d'événements de plus en plus oppressants, comme l'attaque d'un corbeau, la menace d'un chien, la découverte d'un cadavre amputé de ses doigts, sa langue et son sexe ; un point commun : la couleur noire, notamment les yeux des animaux devenus féroces, voire des humains quand les voisins se montrent soudainement menaçants envers les enfants et la mère du narrateur. Alors que les vacances finissent par tourner au cauchemar, Maël explique que son père a disparu subitement, pourchassé par le Bonhomme Nuit, et que ce croquemitaine est certainement de retour.

Effectivement, les menaces se précisent, le Monstre s'incarnant de plus en plus souvent dans l'entourage de la bande. Les enfants savent qu'ils doivent agir vite, mais le Bonhomme Nuit les prend de vitesse. Maël disparaît, Mélanie est grièvement blessée, d'autres enfants meurent…

Il est rare de tuer des adolescents dans les romans pour la jeunesse. Loïc Le Borgne confronte ses personnages à ces disparitions brutales qui marquent de jeunes esprits. En outre, dans la seconde partie du roman, il dévoile progressivement la nature du monstre. Le narrateur apprend, au cours de son enquête pour retrouver Maël, que le Bonhomme Nuit est la métaphore d'une réalité autrement plus horrible qu'un croquemitaine ancré dans l'imaginaire enfantin…

Avec ce roman, l'auteur marche sur les traces du Stephen King du Fléau et de Ça : on y retrouve la même évocation émerveillée de l'enfance, et on tremble de même devant un croquemitaine effrayant. Le roman fait aussi penser à Nuit d'été de Dan Simmons. Le thème de la perte de l'innocence est ici traité avec brutalité et sensibilité à la fois. Les frissons sont en tout cas garantis : Loïc Le Borgne a le sens du suspense et sa narration est très bien menée. Après son agréable trilogie de science-fiction dans la collection « Autres Mondes » chez Mango (alors dirigée par Denis Guiot, le même qu'on retrouve à la tête de cette toute nouvelle collection jeunesse « 15-20 », chez Intervista), il s'impose définitivement comme un auteur à suivre.

Claude ECKEN

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