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Les critiques de Bifrost

Extrême ! Quand le cinéma dépasse les bornes

Extrême ! Quand le cinéma dépasse les bornes

Julien BÉTAN
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
164pp - 19,00 €

Bifrost n° 67

Critique parue en juillet 2012 dans Bifrost n° 67

On a beaucoup écrit sur la violence au cinéma et la censure : L’Art face à la censure de Thomas Schlesser, passionnant mais trop bref panorama de l’interdit culturel sur une période allant de la Renaissance à nos jours (Larry Clark, Ai Weiwei) ; Dictionnaire de la censure au cinéma de Jean-Luc Douin, une somme (520 pages) qui commence un peu à dater (2001 pour sa dernière édition) ; Interdit aux moins de 18 ans - Morale, sexe et violence au cinéma de Laurent Jul-lier, un travail universitaire sérieux sans être rébarbatif. C’est donc un peu face à ce trio d’ouvrages (qui se complètent fort bien, pour tout arranger) que se dresse colt à la main Extrême ! Quand le cinéma dépasse les bornes de Julien Bétan. Première constatation, l’objet-livre est particulièrement désagréable à lire (texte sur deux colonnes, encadrés posés un peu n’importe où, qui coupent la lecture). De plus, il est d’une brièveté rédhibitoire ; c’est bien simple, on a souvent l’impression de lire le plan d’un livre qui reste à écrire et sur les 160 pages, il y en a vingt-cinq d’illustrations de mauvaise qualité (le papier choisi n’est visiblement pas adapté aux repros en noir & blanc). Tout autant que l’objet-livre, le texte laisse à désirer : le plan est brumeux, les films sont survolés, et certains passages tournent à l’empilement de références. Le choix de laisser la pornographie de côté est compréhensible, mais celui de retirer du corpus les œuvres mêlant pornographie et violence (tel L’Empire des sens, La Pianiste ou In the cut) est extrêmement étrange. Certains réalisateurs sont complètement oubliés : Lars Von Trier, Brian de Palma, Shinya Tsukamoto, Roman Polanski, David Lynch, Andrzej Zulawski, d’autres réduits à un cliché comme Sam Peckinpah (misogyne) ou Takashi Miike (infatigable). Il n’est nulle part question d’Irréversible, d’Orange Mécanique, du cinéma d’Alan Clarke, du cinéma coréen, de The Great Exctasy of Ro-bert Carmichael, de Larry Clark (Ken park), de Possession. Un film comme Funny Games est évoqué une seule fois, sans pertinence, alors que comme Cannibal Holocaust, Caligula, Les Diables (Ken Russell), Massacre à la tronçonneuse, Antichrist, L’Exorciste, Cruising, il mériterait un chapitre à lui tout seul. Extrême ! s’intéresse davantage aux mécanismes moraux, à l’histoire de la censure, qu’aux films eux-mêmes, et se révèle donc frustrant pour le cinéphile (quant au côté moral, on est loin de la philo abordable de Dany Robert-Dufour, ne serait-ce que pour citer un auteur moderne - La Cité perverse : libéralisme et pornographie). Voilà un projet bancal, et en un mot inutile : la réflexion morale n’est pas assez poussée pour convaincre, l’analyse filmique est sans intérêt (cf. le passage sur Natural Born Killer) et les références ne sont pas assez nombreuses pour faire d’Extrême ! un ouvrage de références.

[Lire aussi l'avis de Sylvain Fontaine sur le blog Bifrost.]

Thomas DAY

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