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Les critiques de Bifrost

Espion de l'Étrange

Espion de l'Étrange

Serge LEHMAN
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
304pp - 25,40 €

Bifrost n° 64

Critique parue en octobre 2011 dans Bifrost n° 64

1. Pré-critique, où le chroniqueur se montre assez désagréable…

Une fois de plus dans ces pages (cf. la critique du Haut-lieu et autres espaces inhabitables par Olivier Girard dans Bifrost n° 53), on se permettra de déplorer le silence objectif de Lehman, l’auteur de nouvelles et de romans, que ses anthologies, ses rééditions et ses scénarios de BD (seul ou en collaboration) ne font que masquer. Il y a, certes, des motifs recevables à ce mutisme relatif : l’écrivain s’en est déjà expliqué. Mais si je devais comparer sa démarche à celle d’un autre créateur que j’apprécie beaucoup, le musicien Peter Gabriel, qui lui aussi égrène désormais des œuvres moins que neuves (BOs de film réintégrant des morceaux existants, album de reprises, live multiples), je souhaiterais les voir tous deux — oui, je pèse ce que l’expression peut avoir de blessant — un peu moins artistes et un peu plus artisans. C’est que c’est égoïste, un fan.

2. Critique, où le même chroniqueur se révèle plutôt aimable…

Sous une couverture séduisante de Jeam Tag (une reprise de l’édition Fleuve Noir de 1991), Espion de l’étrange réunit l’intégralité des récits consacrés par Serge Lehman au personnage de Karel Dekk (qui est également le pseudonyme sous lequel ils sont parus), soit le roman éponyme et cinq nouvelles, auquel s’adjoignent un roman « cousin », L’Ange des profondeurs, et les synopsis tant des textes publiés que de ceux projetés, mais (encore ?) jamais réalisés.

Disons-le tout net : ce volume ne présente pas le pan le plus achevé de la production de Lehman, qui le reconnaît d’ailleurs lui-même dans une préface attachante où il détaille les avanies subies par la série. Non, les aventures de Dekk (et de son semblable Dirac) ressortissent bien d’une science-fiction aussi populaire qu’un peu foutraque. On rencontre des monstres d’outre-espace, on navigue dans des univers parallèles, on croise diverses personnalités du milieu, on assiste à cette fameuse institution de la SF française (ou parisienne, tout au moins) qu’est le Déjeuner du lundi, on fond devant une femme fatale qui tient beaucoup de la ninja, bref, on sourit souvent, de connivence ou d’incrédulité.

Toutefois, il faut reconnaître qu’il y a là le terreau sur lequel des textes plus ambitieux, plus achevés, ont poussé — dont la série F.A.U.S.T. et l’une des plus belles nouvelles de l’auteur, « L’Inversion de Polyphème ». Alors, oui, ces divers récits relèvent d’une espèce de… méta-pulp autoréférentiel ; oui, ils recyclent (y compris au sens propre, voir la chute abominable de « L’homme qui voulait sauver l’univers ») des tropes familiers ; oui, ils frôlent très souvent le pastiche. Mais ils témoignent de l’amour profond, viscéral, de Lehman pour le genre, de son désir de le voir conquérir le monde (ce qu’il fait, d’une certaine façon, dans « Collector ») et de sa fascination pour les possibles, aussi outrés soient-ils. Et, surtout, Espion de l’étrange est un bouquin fun. C’est trop rare pour qu’on néglige de le souligner.

3. Post-critique, où le chroniqueur perd tout sens de la mesure…

Bon, Serge, sauf ton respect : tu te le bouges, ton popotin ?

Pierre-Paul DURASTANTI

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