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Les critiques de Bifrost

Comment je suis devenu super-héros

Comment je suis devenu super-héros

Gérald BRONNER
CONTREBANDIERS (LES)
288pp - 19,00 €

Bifrost n° 49

Critique parue en janvier 2008 dans Bifrost n° 49

Gérald Bronner est universitaire et sociologue, auteur de plusieurs essais. Mais pas que, puisqu'il écrit aussi du polar, dont Comment je suis devenu super-héros ?.

Au croisement du polar et des comics, il y met en scène Titan, un super héros new-yorkais. Titan n'est pas au mieux. Sa femme l'a plaqué, et il a perdu une place au top 30 des super-héros les plus populaires. En plus de ces tuiles, il va devoir combattre un terrible méchant, le Vampire de New-York. Ses cibles sont les super-héros, et notre cher Titan semble bel et bien être le prochain sur sa liste.

Le sujet est potentiellement intéressant, et plutôt original. Le problème, c'est que l'auteur se prend les pieds dans le tapis. On a l'impression qu'il cherche à jouer sur plusieurs tableaux à la fois, tantôt l'humour, tantôt l'intimisme, tantôt la noirceur. Titan est certes un personnage attachant, avec ses fêlures, ses doutes, ses forces et ses faiblesses. Mais au lieu d'en faire un personnage complexe, il empile ses facettes par couches successives au fil des pages. Le côté humain et complexe se trouve ainsi réduit à un catalogue d'émotions et d'attitudes que l'on feuillette au fil du roman comme le catalogue de la Redoute. Pour ce qui est de l'humour, on rit un peu au début du livre, mais c'est tout. Par contre, le côté intime de Titan est la partie la plus réussie du roman. Elle est centrée sur son enfance, l'échec conjugal et ses relations avec le super-héros Gigaman.

Une fois le héros présenté, l'auteur lance ses rebondissements comme autant de fusées éclairantes, au fur et à mesure que l'intrigue sombre corps et biens dans l'ennui. Le côté noir est complètement raté, car l'auteur parle énormément pour ne pas dire grand-chose. À l'instar des facettes de Titan, les péripéties du roman s'empilent les unes sur les autres, dans un crescendo de longueurs et de délayages. C'est bien simple : Bujold passe ici pour un modèle de concision ! Le polar est une littérature complexe et exigeante, et il ne suffit pas de lire Dennis Lehane ou Ken Bruen pour signer un bon roman. L'intrigue n'est absolument pas maîtrisée ni aboutie, et laisse la désagréable impression d'une improvisation permanente. Mais que vais-je pouvoir dire pour écrire un nouveau chapitre ? Cette question lancinante semble être le désagréable leitmotiv du roman… voire sa seule véritable intrigue. Et c'est bien dommage, car le bouquin n'est pourtant pas mauvais. On y trouve une grande acuité sociologique. L'auteur fait mouche quand il pointe la banalisation de la violence. Ou bien la starification à l'époque où les journaux publient 200 articles quotidiens sur Paris Hilton. Ses réflexions sur les super-héros comme stéréotypes culturels américains sont également pleines de pertinence. Cela mis à part, c'est tout simplement raté et ennuyeux. C'est donc avec amertume et lassitude que l'on referme ce livre. De bonnes idées ont été bêtement gâchées dans un roman, là où une nouvelle et un article auraient suffi. La mayonnaise n'a pas pris : lisez plutôt American gods de Neil Gaiman.

Olivier PEZIGOT

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