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Les critiques de Bifrost

Black Room

Black Room

Colin WILSON
LE CHERCHE-MIDI
460pp - 17,25 €

Bifrost n° 41

Critique parue en janvier 2006 dans Bifrost n° 41

À première vue, ce roman de Colin Wilson (qui date de 1971) pourrait sembler démodé puisque l’action se situe pendant la guerre froide, mais à mesure que l’on avance dans sa lecture, on constate qu’il continue de coller à la réalité psychopathologique de l’époque merveilleuse que nous vivons. Sur le plan historique, il abonde en détails vrais qui n’ont pas pris une ride, car si le tonneau est resté le même, seules les bondes politique ont changé.

Une équipe d’agents secrets et de scientifiques expérimentent dans le Royaume-Uni le comportement psychologique de cobayes volontaires dans un chambre noire, lieu a-géométrique où les dimensions logiques sont abolies et où l’homme expérimental peut, éventuellement, se dépasser. Dans cette chambre sans évasion, l’individu testé est censé vivre les différents stades de son évolution psychique/mentale, afin de pénétrer dans les domaines frontaliers de la conscience.

En fait, l’aspect roman d’espionnage sophistiqué (qui existe formellement comme dans certains livres de Le Carré ou de Follett) apparaît transcendé-gommé par la dimension paranoïde de l’espionnage/espionnite.

Le personnage central, Kit Butler, consomme, comme dans d’autres romans de Wilson, un certain nombre de femmes, celles-ci étant à l’occasion autant de clés ouvrant les portes de la perception et participant à l’excitation (réelle) du voyage expérimental.

En de nombreux détails, le thème interfère avec des éléments fantastique ou/et de la science-fiction, puisque le protagoniste traverse aussi — comme en une succession de jeux de miroirs — des pays alors encore sublimés par une politique abstraite, de l’Europe de l’Ouest autant que de l’Est, qu’une vision toujours paradoxale transforme en autant de lieux impossibles (Prague, un lac écossais) quand il n’erre pas dans un formidable labyrinthe de verre. Wilson ressuscite également, projeté au-delà de ses rêves les plus fous, un avatar de pseudo-philosophe nazi plus grand que nature et des agents soviétiques d’une démence réjouissante… avant de bloquer brutalement son action dans un intermonde glacial et improbable. Le livre fait sauter les verrous d’un genre finalement restreint où surnagent avec Wilson des noms connus : Le Carré, Littell, Deighton, Follett…

Roman hystérique de la folie meurtrière et du délire paranoïaque, Black Room ne doit pas être oublié sous le prétexte que le monde qu’il évoque a vécu.

Daniel WALTHER

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