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Les critiques de Bifrost

Bastards

Bastards

AYERDHAL
AU DIABLE VAUVERT
20,00 €

Bifrost n° 75

Critique parue en juillet 2014 dans Bifrost n° 75

Décidément, le « troisième âge » n’est plus ce qu’il était ! Trois jeunes voyous new-yorkais l’ont appris à leurs dépens lorsqu’ils ont tenté de dépouiller une vieille dame. Sans hésitation, à coups de sarcloir de jardinage et aidée de son chat caché dans son cabas, la mamie s’est débarrassée de ses agresseurs en deux temps trois mouvements. Trois cadavres dans les rues de la Grosse Pomme. Et ce ne sont pas les derniers, loin de là…

Ce fait divers, assez banal dans une aussi grande métropole, attire cependant l’attention d’Alexander Byrd, un jeune écrivain talentueux en panne d’inspiration. Son dernier ro-man semble l’avoir vidé. A moins que ce ne soit le Pulitzer qui l’a accompagné ? En tout cas, suivant les conseils de Colum McCann, il part à la poursuite de Cat-Oldie, cette mystérieuse vieille femme au chat — et ainsi relancer une lutte à mort entre services secrets… sans parler de forces incroyables de puissance comme de cruauté.

Délaissant les guerres menées avec les armées, les soldats, les chars d’assaut de Rainbow Warriors, Ayerdhal embarque son héros dans l’ombre des conflits sans existence officielle ; oubliant les couloirs de l’ONU et le continent africain, il concentre son action en un lieu mythique (New York) ; mettant de côté un certain réalisme, il tisse son récit d’un fil de magie piquée de mythes égyptiens. Tout cela donne naissance à un roman foisonnant, mené tambour battant et sans temps mort. D’ailleurs, la structure adoptée est celle des séries télévisées : des épisodes rapides à lire, avec une scène pré-générique et un cliffhanger. Ça va vite, trop vite parfois, et un léger retour en arrière est le bienvenu pour reprendre son souffle, faire le point sur les différents protagonistes et leurs buts.

Mais la sauce prend car l’auteur, en vieux (enfin, pas tant que ça) routier, connaît son affaire. Il sait multiplier les personnages, leurs liens, sans pour autant ralentir l’action. Il sait créer des êtres vivants, pas des caricatures. Cat-Oldie et sa famille nombreuse sont un régal : conflits générationnels, haines larvées, alliances fluctuantes. Tout y est, épicé par la présence de Bast et sa silhouette féline. De plus, on s’attache tellement à Alexander Byrd qu’on en oublie les invraisemblances d’une telle histoire, la facilité avec laquelle il se laisse embarquer dans ce déferlement. Enfin, Ayerdhal se fait plaisir, comme à son lecteur, en peuplant son roman de figures célèbres. Son héros a pour amis les écrivains Paul Auster et Siri Hustvedt. Norman Spinrad et, surtout, Jérôme Charyn mettent la main à la pâte et risquent leur vie pour aider Alexander. Et ce dernier rencontre Cat-Oldie devant la tombe de Houdini, dont l’ombre tutélaire plane en permanence sur le récit.

Bastards est d’abord un roman jouissif car il est vif et gourmand, foisonnant et intense. Ayerdhal parie sur le goût d’aventures et la culture littéraire de son lecteur, et il fait bien. New York, effrayante, se révèle un terrain de jeu idéal pour cette guerre froide entre le Bien et le Mal. Une lecture à conseiller,  même aux allergiques à la gent féline. 

Raphaël GAUDIN

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