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Les critiques de Bifrost

Aux yeux la lune

Aux yeux la lune

Michel JEURY
FLEUVE NOIR

Bifrost n° 9

Critique parue en juillet 1998 dans Bifrost n° 9

Petit à petit, Michel Jeury disparaît des rayonnages SF des libraires. Voilà une dizaine d'années que l'auteur du Temps incertain a délaissé la Science-Fiction pour le « roman du terroir », et les rééditions de ses oeuvres antérieures se font rares. Ce qui est d'autant plus déplorable que nombre d'auteurs de la nouvelle vague, de Lehman à Wagner en passant par quasiment tous les autres, lui doivent beaucoup et ne s'en cachent pas. L'embellie éditoriale que nous connaissons actuellement pourrait remédier à cet état de fait et permettre aux nouveaux lecteurs de (re)découvrir ce pilier de la SF hexagonale.

Parmi les « introuvables » de Michel Jeury, il y a les vingt volumes parus dans la collection « Anticipation » entre 1979 et 1992 — y compris les trois romans signés du pseudonyme d'Albert Higon, écrits à l'origine pour les éphémères éditions Patrick Siry. Il ne s'agit certes pas de la production la plus ambitieuse de l'auteur, mais on y trouve d'indiscutables réussites.

Aux Yeux la lune est le premier de ces titres à être réédité. On y rencontre un groupe d'enfants immortels, ne vivant que pour s'amuser, insouciants, irresponsables, et dont tous les besoins et les envies sont pris en charge par Sem, l'ordinateur vivant. Mais lorsque celui-ci les abandonne sur Coeur-de-la-Guerre avant de disparaître définitivement, Ania et ses amis devront apprendre à survivre et à échapper aux hordes guerrières qui s'affrontent sans répit sur ce monde de folie.

Si Aux Yeux la lune est un Jeury mineur, à l'étroit dans le carcan des 192 pages réglementaires en « Anticipation », il n'en est pas moins plaisant, en particulier grâce à son personnage central, Ania, qui, de spectatrice-consommatrice de l'horreur régnant sur Cœur-de-la-Guerre, va devenir bien malgré elle actrice de ce conflit, et par là même s'humaniser. Un sentiment que renforce la chute pour le moins abrupte de ce roman, stigmatisant l'absurdité de la société dans laquelle Ania se débat.

Souhaitons que cette réédition soit la première d'une longue série, en rêvant, qui sait, d'un retour de Michel Jeury à la Science-Fiction.

Philippe BOULIER

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