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Les critiques de Bifrost

Arche

Arche

Stephen BAXTER
PRESSES DE LA CITÉ
600pp - 24,00 €

Bifrost n° 61

Critique parue en janvier 2011 dans Bifrost n° 61

Suite de Déluge, qui a vu la Terre inondée par de gigantesques poches d'eau souterraines ayant fait résurgence, Arche décrit le projet gouvernemental consistant à exiler un fragment de l'humanité vers un autre monde. C'est une aventure s'étalant sur plus d'un demi-siècle que Baxter propose dans ce volume, où les protagonistes du début s'effacent progressivement au profit de leurs enfants et de la génération suivante.

La destination est une planète distante d'une vingtaine d'années-lumière, autour d'une étoile relativement semblable au Soleil. Afin de ne pas perdre trop de temps dans le trajet à destination, le mode de propulsion choisi, dans une bulle de distorsion échappant à l'espace-temps, reste cependant hautement spéculatif, comme le reconnaît l'auteur en postface, ne serait-ce que pour embarquer l'accélérateur de particules destiné à modifier localement la constante cosmologique, lequel nécessite l'énergie d'une antimatière récoltée au large de Jupiter, car trop longue à fabriquer avec les moyens humains classiques.

En adepte des voyages spatiaux, l'auteur n'omet aucun détail d'une expédition dont on imagine sans peine la difficulté. La catastrophe planétaire devient, rétrospectivement, le seul impératif de survie suffisamment fort pour justifier cette entreprise hors normes et dans un temps réduit. Pour mieux convaincre le lecteur, Baxter présente quelques scènes sordides liées à la survie et aux bouleversements sociaux accompagnant la montée des eaux. C'est encore l'imminence du désastre, et la faible dangerosité en cas d'accident, qui autorise la reprise de projets remisés au placard, comme le vaisseau spatial Orion à propulsion nucléaire.

Les candidats choisis pour leur jeune âge, leurs grandes capacités intellectuelles, sont formés de manière à réussir cette expédition de plusieurs années. Dès le départ, des impératifs politiques, des modifications de programme, des désordres divers infléchissent le projet. Des passagers clandestins aux accidents engageant la survie du groupe, des conflits psychologiques à la schizophrénie individuelle, en passant par des modes de gouvernance successifs, de l'abandon de la destination initiale pour une autre en passant par le désir de rebrousser chemin, aucune piste narrative n'est négligée, Baxter s'amusant même à les traiter toutes en un seul ouvrage, comme il traita jadis dans Les Vaisseaux du temps de l'ensemble des thèmes liés au voyage temporel. C'est donc une compilation de toutes les situations qu'a engendré le thème de l'arche stellaire qui est présentée ici, en tenant compte des avancées scientifiques réalisées entre-temps.

L'exercice a l'avantage et l'inconvénient du pot-pourri, à savoir que ces thèmes familiers manquent d'originalité et qu'à peine esquissés, ils sont abandonnés pour le suivant. Si on suit les péripéties avec intérêt, l'intrigue s'éparpille malgré tout entre les multiples protagonistes et les théâtres des opérations. L'auteur a du mal, et on le comprend, à rassembler les fils des intrigues croisées en une seule trame cohérente, celle de la survie globale de l'humanité étant trop ravaudée pour être satisfaisante.

Un thème dominant finit tout de même par émerger, récurrent chez l'auteur, à savoir les possibilités de vie et leur évolution dans l'univers. D'abord contenu dans la seule tragédie de l'humanité, il se dégage insensiblement du spectacle des mondes croisés, épuisés plutôt que morts, et de l'absence de signaux intelligents. En fin de roman réapparaît donc le Stephen Baxter des vertigineuses spéculations ; mais peut-être avait-il lui aussi besoin d'accomplir ce long périple pour se retrouver.

Claude ECKEN

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